Entre Headhunters, The Imitation Game & Passengers, on a l’impression que Tyldum a pressé les gros cinémas nationaux comme des agrumes. Dans cette optique & dans son ultime création norvégienne en date, il a mis le paquet : hyperthriller violent jusqu’à un macabre dispensable, il frôle sans audace la psychose & la paranoïa dont il tirera ses énergiques rebondissements.
Particulier dans sa froideur & son désintéressement, le film se dissocie de ses inspirations américaines en les niant en clair : on entend “on se croirait dans un film” & nous voilà pris d’un doute : ce fantasme à moitié prémâché de la richesse, machistement détenue par le personnage d’Aksel Hennie, se prend-il au sérieux à ce point ? La phrase suivante verrouille le système : “on ne verrait pas ça dans un film”. Et bien, des policiers jumeaux obèses non plus, on ne les verrait pas dans un film (surtout pas s’il se prend au sérieux), pourtant ils sont là, artéfact d’une base littéraire solide que le casting a cru bon de reproduire.
Hélas, si l’on sent que le roman fait tourner rond le moteur de Tyldum, le film porte l’adaptation comme un boulet qui lui reste en travers de la gorge (confortable, hein ?), & la fluidité initiale se surpasse jusqu’à nous donner l’impression malheureuse de flotter dans un scénario trop grand pour elle & où le riche macho, d’insituable, devient mal situé. Même chose pour le Méchant™ : malade mental ou simple mec qui fait son job, il repose dans une ambiguïté dépourvue de vocation scénaristique.
C’est alors que la partie la plus épaisse du thriller, morbide & peu psychologique, sort comme la floraison d’une monoculture du Risque™ comme unique motivation narrative – bientôt lassante. Ce gloubi-boulga est à peu près rattrapé par une fin où les éléments supposément susceptibles de provoquer des frissons se doublent d’une utilité assez digne, cette fois-ci, du thriller.
La masculinité du riche macho est mise à mal & sa remise en question éclaire sous un autre angle – quoique chichement – la pyramide de crimes bruts dont dégoutte encore l’encre des notes de l’auteur. À vouloir brasser des millions & se donner quelques bribes de classe à l’américaine, Headhunters ne sait trop choisir, finalement, entre le drame ultrasérieux, le thriller sans issue & le film de divertissement qui use du grotesque comme soupape de tolérance. Il demeure de ce fait une modeste “tentative”.
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