Dans un futur proche, une épidémie de vampirisme frappe le monde et surtout l'Amérique. Les médias ne cessent de recenser de par le monde les multiples carnages des suceurs de sang sans pouvoir préciser les origines de la maladie.
C'est dans ce contexte qu'une nuit quelque-part aux Etats-Unis, Martin est témoin du massacre de sa famille par un vampire alors qu'ils s'apprêtaient justement à fuir leur domicile. Sauvé par un chasseur de goules sorti de nulle part, Martin aide ce dernier à venir à bout du monstre qui vient de décimer sa famille et assiste aux derniers instants de son père mordu par la bête avant que l'inconnu ne mette fin à son trépas. L'étranger prend ensuite Martin sous son aile et l'entraîne à combattre. Taciturne, l'homme ne répond qu'au doux nom de Mister et ne semble n'avoir aucune attache.
Ne quittant pas son mentor, Martin le suit dans son périple pour gagner les terres du Nord vers New Eden que la rumeur dit nettoyée de tout vampire. Bientôt, ce sont une nonne, un ancien soldat et une jeune femme enceinte qui viennent se joindre à leur voyage. Mais ils se confrontent rapidement à une secte sanglante de fous de Dieu et à leur leader illuminé.
Après le sympathique (mais pas non plus folichon) Mulberry Street, Jim Mickles et son pote l'acteur scénariste Nick Damici remettent le couvert sous l'égide de Larry Fessenden via sa boîte de prod indépendante Glass eye pix.
Si Mulberry Street s'était fait remarquer dans quelques festivals malgré ses nombreuses lacunes scénaristiques et des hommes-rats (vous avez bien lu) un rien ridicules, force est de constater que Stake Land n'est pas le navet fauché que l'on redoutait au vu du précédent effort de Mickles.
Le jeune réalisateur persiste dans le domaine du fantastique et affine son style dans ce road-movie post-apocalyptique reprenant en germes le périple d'un père et son fils et leur lutte pour la survie décrite par Cormack Mc Carthy dans son roman The Road.
Avec des moyens limités, il transcende un sujet maintes fois raconté par une réalisation soignée où il alterne avec un savoir-faire indéniable bains de sang et accalmies contemplatives. Sans jamais s'attarder sur les faciès saugrenus de ses vampires, qui tiennent ici plus du zombie véloce que du suceur de sang raffiné, le réalisateur préfère se concentrer sur le périple de ses personnages.
Les silences en disent ici plus longs que les dialogues et le scénario de Damici sans être vraiment original, arrive à captiver et à nous préoccuper du sort de ses protagonistes. Ceux-ci font ici tous partie du cadre et aucun ne peut jamais prétendre occuper durablement le premier plan. Pas même cet homme sans nom, Mister, évoquant Josey Wales dans sa démarche et du fait qu'il traîne pas mal d'âmes en peines dans son sillage. Taciturne, mais non exempt de bonté évidente, il reste tout d'abord en marge du cadre pour ensuite prendre un peu d'ampleur, mais pas assez pour qu'on en sache plus sur son parcours et ses motivations.
Ce genre d'anti-héros on les compte désormais par dizaines depuis l'Homme sans nom et l'Harmonica de Leone, popularisés ensuite par Mad max, le méchant personnage au grand coeur n'a plus rien de nouveau et celui-ci ne fait que rejoindre cette longue liste. A la seule différence qu'il n'est jamais magnifié, iconisé par la mise ne scène de Mickles, et ce volontairement. Il apparait juste comme le seul père de substitution qui reste à Martin, le seul qu'il ait envie de suivre. Les nombreux coups d'oeil du jeune homme à Mister et sa manière de chercher à travers son regard la fierté d'un père, témoigne de son attachement et de sa reconnaissance pour lui avoir sauvé la vie.
La voix-off de Martin en dit juste assez pour décrire son ressenti et sa manière d'appréhender ce monde cauchemardesque.
Stake Land est donc le récit de son initiation précoce à la vie d'adulte. Martin est tout d'abord entraîné au combat par Mister puis il devient son bras-droit. Tout au long de son périple, et ceci sans dialogue ou voix off explicative, nous comprenons par quels stades il passe, notamment quand il s'interroge sur les femmes et sur la sexualité en observant en silence une jeune femme enceinte ou en tombant sur un jeu de cartes coquin. Du fait de l'admiration qu'il porte à Mister et sans que jamais ce dernier ne lui ait témoigné le moindre signe d'affection, Martin est incapable de lui désobéir et de s'émanciper.
C'est donc bien de perte d'innocence et de passage à la vie adulte qu'il est ici question.
D'un point de vue formel, nous sommes bien dans une série B d'horreur. Si les vampires ne sont pas les plus flippants du genre, leurs attaques restent assez sanglantes pour emporter l'adhésion. A ces quelques scènes de pugilats et de massacres, Mickles opposent de superbes plages de respiration où sa caméra s'autorise de nombreuses envolées bucoliques soutenue par un score mélancolique du plus bel effet. Les personnages se perdent au milieu de paysages sublimes et semblent traverser les saisons tant la photographie s'imprègne de couleurs différentes pour figurer la fuite du temps.
L'interprétation est de bonne facture, réaliste sans aucune surcharge émotionnelle superflue. Nick Damici, s'il n'est pas un grand acteur, reste assez crédible pour retranscrire la dureté de son personnage, et le reste du casting, (tous des inconnus hormis Kelly McGillis méconnaissable en nonne vieillissante) assure le taf. A peine regrettera-t-on le jeu souvent outré du bad guy, sans aucune profondeur, cantonné au stéréotype de l'illuminé incurable.
Stake Land est donc une réussite qui, sans révolutionner le genre, se hisse malgré son statut de bande fauchée au-dessus de la flopée de films de vampires et de zombies modernes. A peine regrettera-t-on que Mickles n'ait pas travaillé plus son background et les relations entre certains de ses personnages. Mais ceci n'est en rien rédhibitoire et ne peut justifier que l'on considère le film comme une simple resucée du genre.