Ce n'est qu'au bout du troisième visionnage que je me décide enfin à écrire une critique sur le dernier chef d'œuvre de Hayao Miyazaki. Si je ne l'avais pas fait plutôt, c'est que je ne me sentais pas prêt à écrire une critique sur cette œuvre, même si aujourd'hui je ne pense toujours pas que je le suis.
Le garçon et le héron est probablement le film le plus mystérieux et le plus personnel du génie de l'animation. Un film que l'on croit comprendre mais après avoir vu "Hayao Miyazaki et le héron", un documentaire montrant tout le processus de création de 2013 à 2023, tout a été balayé.
En effet, de ce que j'avais vu sur internet et compris du film, pour moi le grand oncle était Miyazaki et Mahito était son petit fils. Hayao se fait vieux et réalise ce film en pensant que ce sera son dernier. Quoi de plus logique que de penser que la phrase "Mahito, veux-tu continuer mon oeuvre ?" est destiné à son petit fils ? Car en plus de cela, il ne fait pas confiance à son propre fils. Pour le héron, je n'avais toujours pas compris qui il représentait.
Mais quelle fut ma surprise quand dans le documentaire, Miyazaki explique que le grand oncle est Isao Takahata, mort durant la production du film, que le héron est Toshio Suzuki, donc le producteur et co-fondateur de Ghibli, et que Mahito est Hayao. Il l'explique tellement bien dans le documentaire mais rajoute du doute. Notamment par exemple le moment où le grand oncle prononce la phrase "Il faut que mon successeur soit de ma lignée". Sauf que c'est Takahata donc qui prononce ces mots.
Isao Takahata a une énorme place dans le coeur de Miyazaki, il en parle en disant "on se détestait autant qu'on s'aimait". Ils étaient les deux meilleurs amis que tout oppose et on le voit bien dans leur film. Isao était vu par Hayao comme un "idéal" à atteindre. Même si le mot n'est pas vraiment le bon, Hayao avait un respect infini pour lui. Il est donc logique qu'il soit dans son film.
Mais alors pourquoi ce délire de successeur ? Ghibli cherche depuis 25 ans un successeur à Isao et Hayao, l'espoir était Yoshifumi Kondo (réalisateur de "Si tu tends l'oreille"), mais il est mort en 1998. Si Mahito est Miyazaki et si le grand oncle est Isao Takahata, ça n'a pas de sens que Takahata voit en Miyazaki son successeur. Ou alors, le film montre une double lecture où les personnages se détachent de leurs motivations. Ils sont simplement inspiré mais destiné à autre chose, comme le fait que Miyazaki voit en son petit fils, un successeur. Pour ce qui est du héron, beaucoup de mystère tournent autour de ce personnage très haut en couleur et qui représente Suzuki.
Même si je met 5 étoiles, je ne peux toujours pas vraiment noter ce film, parce que je sais qu'il est probablement l'un des meilleurs de Miyazaki, beaucoup l'ont déjà compris. Le film en France a pour titre "Le garçon et le héron" mais le titre original est "Et vous comment vivrez vous ?". Et là je pense que pour comprendre le mieux le film, il faut se mettre le titre original en tête. Car oui Hayao délivre un message avec une question, il nous montre deux monde et nous dit que l'on peut choisir. Mais ici dans un sens de création.
Mahito peut presque être vu comme nous-même spectateurs qui continuons l'œuvre de Miyazaki, c'est à dire tout ce qu'il a mis en avant depuis "Le château de Cagliostro" et dans ses thèmes. Les plus dominants sont :
- le féminisme mais dans le sens d'une femme forte, qui peut diriger, qui est créative, inventive comme dans Princesse Mononoke avec San et Eboshi qui sont deux femmes très fortes, avec Nausicaä qui dirige la vallée du vent, qui est respecté, avec Fio qui dirige la réparation d'un hydravion devant Porco qui est l'incarnation du misogyne au début du film, avec Chihiro plus courageuse que jamais. Et même si ces qualités ne sont pas les éléments principaux, Miyazaki met des femmes en personnage principal ou dans les principaux dans absolument tous ses films, que ce soit avec Mei et Satsuki dans Totoro, Ponyo et la mère de Sosuke, Kiki qui vient sauver Tombo, Naoko, Sheeta et Sophie.
- L'écologie est aussi dans les thèmes principaux avec Princesse Mononoke et Nausicaa de la vallée du vent qui l'incarne le mieux et l'aviation qui est aussi présent dans presque tous ses films.
Tous ces éléments qui soient engagés ou pas sont l'oeuvre et le message de Miyazaki. Et le message qu'il porte est : voulons nous d'un monde laid et pollué par la bêtise humaine ou d'un monde onirique où s'est retrouvé Mahito pour sauver sa mère.
Pour ce qui est des perruches, nous n'avons absolument aucune info donné par Miyazaki dans le documentaire, j'ai l'impression que cette étape a complètement été zappé et c'est dommage parce que c'est l'un des éléments encore sombres. Car même si le message de fin est clair, pourquoi tous ces éléments avant, et notamment les perruches.
La question des warawara est aussi à poser même si là on parle des embryons qui peuvent être chassé par les pélicans. C'est d'ailleurs l'un des moments que j'ai préféré du film, avec l'arrivée notamment de Himi.
On a aussi le tombeau où Mahito se retrouve en arrivant dans le monde onirique avec cette grille en or magnifique et immense. Qu'est ce que cela représente, vraiment ? C'est d'ailleurs à ce moment là que Mahito lit "Ceux qui chercheront à comprendre périront". C'est vraiment une phrase très profonde, presque biblique mais qui résume bien le film. D'ailleurs au moment de la sortie du film Miyazaki a dit "si vous ne comprenez pas mon film, ne me demandez pas, moi non plus je ne l'ai pas compris". C'est quand même fort de dire ça pour son propre film. Comme si il avait mis dedans plusieurs éléments imbriqués qui chacun ont un sens mais qui assemblés font très mystérieux.
Pour moi c'est ça Le garçon et le héron et on le voit dans le documentaire que Miyazaki a mis pleins d'éléments de sa vie, de ses précédents films et de ce qui l'entoure.
Je n'en ai pas fini avec ce film, je le reverrai encore et encore jusqu'à avoir tout compris, car je suis persuadé que Miyazaki est le plus grand génie du cinéma d'animation et qu'il ne peut faire que des chef d'œuvre. Chacun de ses films m'ont tellement touché de plusieurs manières différentes et c'est au bout du troisième visionnage seulement que ça y est je commence à être touché par ce film, mais ce n'est rien par rapport à ses précédentes œuvres.
Je vais finir par parler de la partie musicale où nous avons à nouveau le grand Joe Hisaishi. Ayant eu des bandes originales absolument sublimes dans Princesse Mononoke, Le voyage de Chihiro, Porco Rosso, Nausicaä de la Vallée du vent, Le château ambulant ou Le château dans le ciel, celle de "Le Garçon et le héron" est un peu à part. On a des moments musicales absolument sublimes comme à l'arrivée de Himi ou alors le thème principal, mais dans le film en général, la musique est moins présente. Le moment qui me fait le plus dire ça est le moment où Himi et Mahito se retrouvent et se font un câlin. Nous avons un silence absolu en dehors de leurs dialogues. C'est quand même assez étonnant alors que nous avons l'habitude avec Hisaishi que les musiques soient vraiment très présentent et portent le film du début à la fin. Mais là, le silence dicte le film. On a tellement de moments où seuls les dialogues ou les bruits de pas et de la natures sont les seuls éléments sonores. Mais c'est justement ce qui renforce la satisfaction et la beauté de la musique quand elle arrive.
Autre exemple avec la scène d'ouverture qui est je trouve absolument magistrale, l'une des meilleures scènes d'ouverture de Miyazaki et je me souviens qu'au premier visionnage, en voyant cette scène glaçante de l'hôpital en feu avec cette animation flou et déformé, je m'étais dit "ça y est voici le nouveau chef d'œuvre de Miyazaki". Mais cette scène ne comporte aucune musique et encore une fois, c'est assez étonnant. Princesse Mononoke est comparable à ce film en terme d'actions en début de film, la musique est absolument incroyable et met tout de suite dans le bain pour le film de 1997.
Pour conclure, Le garçon et le héron a encore pas mal de mystères non élucidé mais je n'ai aucun doute sur le fait que dans quelques années, je le considérerais réellement comme un grand film d'animation voir l'un de ses meilleurs, d'autant plus que l'animation est sans aucun doute la meilleure et notamment grâce à Honda qui est son chef animateur sur le film et qui apporte énormément. Les transitions, les mouvements du corps, la vitesse des mouvements, tout est sublime et en mériterai une critique et analyse entière !