Fable colorée ayant comme sujet principal le deuil, le Garçon et le Héron se décline comme une œuvre tout à fait singulière. Théâtre d'un chaos constant, qu'on peut supposer avoir été orchestré à dessein par Miyazaki, la dimension de l'imaginaire et du surnaturel qui envahit tout au point de supplanter complètement le "réel" - Mais quel, réel ? -, et dans laquelle se trouve propulsé le jeune Mahito, a de quoi désarçonner. Les thèmes sont nombreux. Le tumulte généralisé, comme un symbole des déséquilibres intérieurs d'un enfant ayant perdu tout repères, est également une habile métaphore sur l'état d'une humanité belliqueuse et destructrice. Comme en écho à la brutalité, à la folie des hommes pendant la guerre, les oiseaux ne pensent qu'à tuer, faisant preuve en cela d'une décontraction tout à fait déstabilisante. La disharmonie de ce monde fantastique est avant tout celle d'un monde, cette fois bien terrestre, qui s'est embrasé en s'engageant dans une guerre totale, annihilatrice, abimant la vie dans son ensemble. Quant à Mahito, vaine, sa recherche de l'être cher symbolise une phase de "déni" ou le chemin du deuil, car est-il seulement possible d'accepter l'inacceptable, la disparition de la personne que l'on aime et qui nous aime ? Une vie se conçoit-elle, quand la douleur emplit tout ? Si elle se conçoit, comment vivre avec elle, alors ? Qui a t-il, après ? D'autres êtres chers, et la vie. D'un chaos finalement interrompu, d'un tumulte heureusement apaisé, nait une nouvelle dimension, un espace pour décider d'aller de l'avant. Il n'appartient plus, alors, qu'aux êtres concernés de décider de faire le premier pas.
Film riche, le Garçon et le Héron est difficile d'accès. Sa structure, volontairement brouillonne et hyperactive, égraine de nombreux sujets sans forcément donner toutes les clés nécessaires pour en saisir toutes les subtilités. C'est là probablement le principal reproche qu'on peut lui faire. Assumé, ce choix donne pourtant matière aux plus diverses interprétations. Et après tout, ne serait-ce pas l'essentiel ?