« Littéralement, on pourrait considérer les rêves comme les sous-sols de l’univers conscient » : Wes Craven semble proposer une illustration littérale de Baudrillard à travers ce « Nightmare » à forte connotation freudienne. Tout comme dans la lecture Lacanienne, l’inconscient a ici son langage et nous parle à travers les rêves. Dans le film, les mondes que sont l’état de veille et le sommeil perdent de leur étanchéité ; Les corps se liquéfient, à l’instar de celui de Glenn : devenu geyser de sang, il figure la matérialisation atroce du sommeil comme retour au bain originel, amniotique. La liquéfaction pour dire la traversée que représente le sommeil.
Révélateur, le sommeil laisse des traces dans l’univers conscient : manifestation physique (brûlures, lacérations) qui expriment la réalité de l’inconscient. Et, comme chez Jung, il s’agit ici d’un inconscient collectif, d’un Mythe qui prend les traits de l’inénarrable Freddy Krueger. Son visage brûlé, épouvantable, vient afficher un refoulé aux relents de souffre (souvenir du napalm Vietnamien ?). L’habitant du rêve ne fait qu’incarner l’envers du décor, la réversibilité du monde.
Car, dans le film, le retour à la réalité ne signifie plus un retour à l’ordre, il entérine au contraire le chaos, que l’on croyait rêvé, comme état du monde réel. A l’instar de l’héroïne, c’est toute l’Amérique qui patauge dans le cauchemar puritain et matérialiste dont elle ne parvient pas à s’extraire.
« Nightmare » convoque par ailleurs un motif récurrent : l’Absent. Brûlé vif par les parents, le psycho-killer d’enfants revient hanter les adolescents à la fois effrayés et séduits par le sommeil, déchaînant autour de lui des pulsions contraires dans un double mouvement d’attirance et de répulsion : l’Absent, se sont avant tout les parents (tous démissionnaires : alcooliques, lointains ou sourds). Freddy devient ainsi une évidente figure paternelle (« Come to daddy ») : Nancy n’a de cesse d’aller chercher le croque-mitaine dans les flammes de l’enfer et, lorsqu’elle se jette littéralement sur lui, entamant un puissant corps à corps, elle ne fait que réaliser son désir latent d’inceste.