Bien que certaines adaptions de pièces de théâtre (La Cage aux Folles, Le Père Noël est une ordure, Le Dîner de Cons, Le Prénom) ou de spectacles comiques (Bienvenue chez les Ch’tis) ont été de véritables succès sur le plan critique et commercial, nous pouvons nous poser la question suivante : où est l’intérêt de transposer sur grand écran le genre théâtral, si ce n’est que de rajouter des éléments spatio-temporels impossibles à bien représenter sur les planches ? Une interrogation qui est évidemment venue à l’esprit lors de l’annonce de la première réalisation de Guillaume Gallienne, qui adapte ici son propre one-man-show : que peut bien faire ce sociétaire de la Comédie Française si ce n’est nous raconter une nouvelle fois ce qui a déjà été dit dans son spectacle ? Un questionnement qui trouve enfin une réponse avec Les Garçons et Guillaume, à table !, de la manière la plus travaillée et complexe qui soit !
Pour ceux qui ne connaîtraient pas le spectacle en question, Guillaume Gallienne y raconte un pan de sa vie. Plus particulièrement de sa jeunesse, lorsqu’il était persuadé être une fille à cause de sa faiblesse physique, de ses manières et des propos que lui adressait sa mère, une femme qu’il admirait (et admire toujours) par-dessus tout au point de l’imiter sans cesse. De quoi provoquer le doutes auprès ses proches, qui l’on alors toujours vu comme un homosexuel. Un récit autobiographique, bien entendu enjolivé par quelques sauts humoristiques inventés pour l’occasion et qui permettent aux spectateurs de passer un agréable moment. Et les exemples sont nombreux :
le coup où Guillaume apprend la danse espagnole, le passage en thalassothérapie…
Le tout accompagné par des répliques aux petits oignons qui font mouche, notamment quand celles-ci proviennent de la mère de notre « héros ». Sans oublier les moments plus intimes (un peu trop présent et provoquant quelques longueurs, soi dit en passant), afin que le film ne se perde pas dans une surdose de gags et propose un peu d’humanité pour toucher l’assistance. Voilà ce qu’est Les Garçons et Guillaume, à table !, que ce soit le spectacle ou bien le film. Que nous apporte donc ce dernier, finalement ?
Déjà, il nous dévoile l’immense talent d’acteur de Guillaume Gallienne. Pour le moment abonné aux rôles secondaires dans des films à tendance comique (Jet Set, Fanfan la Tulipe, Narco, Astérix et Obélix : Au service de Sa Majesté… même Benjamin Gates et le Livre des Secrets !), sa première réalisation lui permet enfin d’éclater au grand jour. De montrer, en jouant son propre rôle mais également celui de sa mère (et de deux autres que je vous laisse découvrir), qu’il est capable de tout. De faire rire, d’être touchant au plus haut point, de pouvoir changer de registre quand bon lui semble. Et surtout d’avoir une présence, un charisme hors du commun si bien que l’acteur ne fait qu’occuper l’écran à lui tout seul, même quand il se retrouve en présence d’autres comédiens de renommée (Françoise Fabian, Diane Kruger, Reda Kateb…) sur le coup bien secondaires et vite oubliable. Un César du Meilleur acteur amplement mérité !
Mais ce que Les Garçons et Guillaume, à table ! dévoile avant toute chose, c’est le génie de cet homme pour la mise en scène. Rien qu’au niveau du scénario : au lieu d’adapter bêtement son spectacle, Guillaume Gallienne nous livre une mise en abyme du théâtre. Il brise les frontières qui délimitent et empêchent le 6ème et le 7ème art de se côtoyer pleinement. Cela, Gallienne y arrive non pas en faisant un film sur sa vie, mais en réalisant un long-métrage sur le spectacle qui raconte sa vie.
Le film démarre donc par une entrée en scène de notre « héros », comme tout spectacle qui se respecte, et narre son passé devant une foule de spectateurs invisibles, dissimulés par l’obscurité du théâtre, et qui vont sortir de l’ombre peu à peu que Gallienne s’ouvre, se dévoile aux yeux de tous
. Un parallèle entre le spectacle et le récit qui est également marqué par certaines images qui pourraient bien venir de l’imagination des spectateurs face au conteur qu’est Gallienne :
le public admirant le comédien imiter sa mère explique pourquoi ce dernier joue le rôle de celle-ci, le fait que Gallienne semble s’adresser à nous alors qu’il est en pleine séance chez le psy
… Des prouesses de mise en scène qui renforce le côté comique du film, offrant par moment une once de poésie via des plans visuellement beaux à contempler (
le ralenti où Guillaume tombe dans la piscine
, par exemple).
Vous l’aurez compris, Les Garçons et Guillaume, à table ! n’est pas une banale adaptation d’une œuvre théâtrale sur grand écran. Il s’agit du premier film à marier habilement ces deux arts que sont le théâtre et le cinéma avec une habilité exemplaire. Qui révèle, qui plus est, un nouveau grand nom en tant que comédien et réalisateur en la personne de Guillaume Gallienne. Si le film peut paraître un peu longuet voire monotone à certains moments, il n’en reste pas moins un véritable bijou de la comédie française, aussi bien sur le plan du divertissement que de l’objet artistique diablement travaillé et maîtrisé comme il se doit !