Pas facile d'adapter à l'écran le roman de M. G. Lewis... Un roman à la fois picaresque et gothico-fantastique, dense et débridé, constitué de nombreux récits enchevêtrés. Dominik Moll et Anne-Louise Trividic, coscénaristes, ne s'en sortent pas mal, resserrant l'intrigue autour de quelques histoires croisées et faisant preuve de retenue pour éviter les écueils d'un genre littéraire qui pourrait aujourd'hui paraître daté. À la réalisation, Dominik Moll tente également de ne pas trop en faire. Outre quelques moments de kitscherie (apparition dans le cimetière, scène de procès avec filtres de couleur...), qui font penser aux films de la Hammer et aux séries Z italiennes ou espagnoles, il évite assez bien la "surstylisation", tout en soignant quand même les ambiances. Après Harry, un ami qui vous veut du bien et Lemming, le réalisateur continue par ailleurs à broder autour des mêmes thèmes : dérèglement du quotidien à cause d'un élément perturbateur, incarnation du mal ou de la tentation, délire et réalité... De son côté, en matière d'interprétation, Vincent Cassel accorde aussi ses violons, jouant sobre.
Cette tonalité relativement mesurée, sur le fond et la forme, est cependant à la fois une qualité et une limite. Le résultat n'est pas grandiloquent ou ridicule ; il n'est pas non plus très piquant. Manque l'expression d'une fièvre ou folie érotique et d'une réelle inspiration "démoniaque" pour coller à l'esprit de l'oeuvre originelle. Cela dit, ces mésaventures d'un moine vertueux devenu libidineux, avec en toile de fond l'incontournable lutte du bien contre le mal, se suivent sans déplaisir, comme un honnête film de genre.