Figure de proue du Nouvel Hollywood, réalisateur à succès (The French Connection, The Exorcist), William Friedkin a laissé des plumes dans ce film. Tollé d’associations militantes gays (qui ont estimé que cette représentation d’un univers hardcore dégradait l’image de leur communauté), mauvais accueil critique, échec au box-office, relation houleuse avec Al Pacino pendant le tournage et brouille par la suite… Le film est resté peu visible pendant quarante ans avant d’être reconsidéré et remis au jour, propulsé par quelques journalistes et cinéastes (dont Quentin Tarantino et Nicolas Winding Refn).
C’est l’adaptation d’un roman de Gerald Walker (1970). Adaptation dont l’originalité tient moins dans l’intrigue elle-même (traque d’un serial killer, fausses pistes, suspense) que dans le cadre de cette intrigue, un ensemble de lieux de rencontres gays, lieux de drague et de pratiques sexuelles diverses. Ce cadre, avec sa population et ses activités, est abordé avec un soin étonnamment documentaire, sans voyeurisme, sans esprit racoleur, comme on aurait pu l’imaginer, au vu du scandale que le film a provoqué. La réalisation est frontale, audacieuse, témoignant de la fascination récurrente de Friedkin pour les ambiances scabreuses et violentes, certes, mais elle ne semble portée par aucun jugement moral. C’est cette peinture sociale qui fait l’intérêt du film, ainsi que l’ambiguïté de l’évolution du personnage principal, en plein trouble.
Pour le reste : certains effets de style ont vieilli ; les ressorts psychologiques expliquant les pulsions du tueur sont un peu grossiers ; et la dernière séquence, très ouverte en termes d’interprétations, n’est peut-être pas très habile. Elle laisse en tout cas dubitatif.
Enfin, au cœur du film, il y a Al Pacino. Rôle audacieux et casse-gueule pour la star. Sa composition est étonnante : présence plutôt passive, regard souvent vide. Composition savamment travaillée ou fruit de son mal-être et de ses questionnements sur le plateau ?