Drame psychologique, coécrit et réalisé par Yórgos Lánthimos, Canine est un film aussi atypique qu'impactant. L'histoire nous fait suivre une famille composée des parents et de leurs trois adolescents vivant dans une villa isolée dans la campagne bordée d'une haute clôture que les enfants n'ont jamais franchie. Toute leur éducation, leurs loisirs, leurs amusements, leur ennui et leur entrainement physique se conforment au modèle imposé par leurs parents. Ce scénario fortement intrigant nous plonge pendant une heure et demie dans un récit déstabilisant comportant quelques longueurs volontaires et un rythme lent afin de nous faire ressentir la gêne et le malaise. Et cela est palpable dès les premières secondes et va s'intensifier au fil des minutes ne laissant rien présager de la tournure et de l'évolution que va prendre ce quotidien. On assiste pendant tout ce temps à une successions de scènes imprévisibles et dérangeantes par la violence psychologique exercée sur ces trois adolescents manipulés par une instruction très particulière faites de croyances fondées par leurs géniteurs. Cela donne lieu à des séquences perturbantes, voir même carrément malsaines à cause de comportements étranges et immoraux comportant pas mal de nudité et de sexualité. L'ambiance se veut globalement froide mais parvient tout de même à se réchauffer lors de quelques passages qui font rires tant certaines situations sont absurdes. Mais cet humour met mal à l'aise. L'ensemble est porté par des personnages attachants, notamment les trois enfants pour qui on ressent énormément d'empathie. Ces rôles sont interprétés de façon clinique par Angelikí Papoúlia, Mary Tsóni et Christos Passalis. Ceux des parents sont joués par Chrístos Stérgioglou et Michelle Valley. Seule membre n'appartenant pas à la famille et faisant le lien avec le monde extérieur, Anna Kalaitzidou a également un rôle important. Tous ces membres entretiennent des relations à la fois tendres et ambiguës procurant pas mal de sentiments, notamment de rejets. Heureusement que les liens fraternelles mettent un peu de baume au cœur grâce à leur complicité. Si le fond est extrêmement singulier, la forme l'est tout autant. En effet, la réalisation du cinéaste grecque se veut qualitative mais sa mise en scène sobre nous gratifie de beaux cadres hors des conventions. Et, malgré un sujet sombre, sa photographie se veut lumineuse grâce à l'environnement et notamment le jardin verdoyant de cette maison coupée du reste du monde et au ciel toujours bleu surplombant cette prison familiale. Ce visuel bousculant les codes est accompagné par une b.o. aux titres surprenant mais agréables apparaissant à des moments fortuits. Celle-ci est utilisée avec parcimonie ce qui lui donne encore plus d'impact à chaque fois qu'elle se fait entendre. Le reste du temps, elle laisse place à une atmosphère glaciale. Cette immersion intime domestique s'achève sur une fin ouverte raccord avec le propos, bien qu'un peu frustrante, venant mettre un terme à Canine, qui, en conclusion, est une véritable expérience traumatisante méritant d'être visionnée.