J'écris rarement de critiques de films, mais là franchement...
La première partie, avant les "Hunger Games", m'a mis extrêmement mal à l'aise : les habitants du District 12 sont présentés comme des braves gens, mais on se demande où est passée leur humanité quand personne ne daigne s'indigner et s'interroger sur ce système absurde. L'idée de base du scénario/roman - envoyer 24 jeunes gens se battent jusqu'à la mort dans une arène crée de toute pièce - est bonne mais il manque une mise en contexte et une éthique pour nous faire avaler ça.
Je n'ai pas lu les livres, mais il me semble que l'univers était un peu expliqué, qu'on en savait davantage sur les différents districts : ici, tout ce à quoi on a droit pour comprendre le rapport de castes façon "Meilleur des mondes", c'est le très mauvais goût des habitants du Capitole, qui fait vraiment mal à l'oeil. La dimension satyrique de la société est évacuée au profit d'une esthétique douteuse de l'outrance.
La partie "action" est très décevante, alternant chasse à l'homme et dialogues bateau, avec une caméra malhabile qui n'arrive pas à nous attacher à l'endroit et nous faire croire qu'il s'agit d'un univers passionnant. L'intrigue est bourrée d'incohérences, d'invraisemblances et d'arrivées "miraculeuses" de personnages ou d'obstacles qui nous laissent dubitatif. Le bestiaire est très pauvre. Les créatures à la fin sortent littéralement de nulle part, c'est un peu facile. La scène de combat initiale est très mal gérée, on n'y comprend rien, cela va trop vite.
Les personnages ne sont pas fouillés, on ne saura jamais vraiment qui est Katniss, quelles sont ses valeurs et sa relation amoureuse n'est pas du tout crédible. On ne comprend rien aux changement de personnalité brutaux, comme le coach alcoolique et pique-assiettes qui devient de bon conseil. Les personnages secondaires n'ont aucune personnalité, leur mort ne fait ni chaud ni froid. Les "méchants" sont sans saveur, survolés et stéréotypés.
Mais le point le plus négatif du film, celui qui mérite qu'on le voue aux gémonies, c'est la morale entourant la violence. Je ne peux imaginer de pire façon de traiter le sujet que celle choisie par l'équipe du film. Paradoxalement, il y a à la fois pas assez et trop de violence. Pas assez parce qu'on s'attendrait à des scènes plus insoutenables, à des profusions d'hémoglobine pour nous faire comprendre la chose, à des dilemmes où des gens "bons" sont poussés à s'affronter entre eux. Et à de l'horreur psychologique, aussi. Bref, du réalisme. Il n'y a rien de tout ça, on dirait un film de guerre alors qu'il est censé n'y a voir ni "bons" ni "méchants" mais simplement cette loi inhumaine. Et c'est pourquoi, du coup, il y a trop de violence : cela devient de la violence gratuite, motivée par rien. Hunger Games est un blockbuster qui ne doit pas choquer l'adolescent moyen, et sous prétexte de bienséance visuelle, la morale devient immonde. A la fin, on est content qu'ils aient gagné, c'est une happy end. Comment peut-on imaginer une happy end avec ça ? Evidemment, cela aurait été trop demandé de faire mourir les personnages principaux. Ils ont contents d'avoir vaincus, on est fier d'eux, du coup toutes les autres morts de gens innocents on s'en fiche. Il aurait fallu qu'on retrouve le malaise de la première heure, qu'on ait envie de pleurer face à la cruauté de ce monde. Finalement, la violence est au service d'un suspense mal géré et d'une esthétique douteuse. Comment ont-ils pu pondre une fin qui nous pousse implicitement à accepter les hunger games et à glorifier le chacun-pour-soi ?
Je m'attendais aussi à voir une satyre de la télé-réalité, cela a été évacué. A part un court moment de révolte dans le district 11, on ne sait rien de comment le public perçoit ce genre de chose. On est dans l'arène, pris à témoin de ce spectacle absurde, sans recul.
Le dénouement dans l'arène est l'un des passages les plus navrants du film. Quand on annonce aux deux amants qu'ils doivent s'entretuer, ils ne réagissent pas vraiment, ok tout va bien, bon bah suicidons-nous alors, sans prendre le temps d'un baiser d'adieu. Et après, hop ! On nous annonce que finalement non, ils ont tous les deux gagné. Aucune émotion, aucun cri du coeur, aucune phrase mémorable. Le temps entre les deux annonces aurait du être plus long, il y avait là quelque chose à exploiter, cela aurait pu être l'occasion de monter à la tribune et de lever le poing contre ces barbares, ou au moins de prolonger un peu le choix du suicide pour le rendre plus marquant. Du grand n'importe quoi.
Franchement, je ne vois aucune raison de regarder ce film. Pour le monde totalitaire, on peut regarder 1984. Pour la violence, Tarantino bien sûr. Pour la télé-réalité, The Truman Show. Et pour l'intrigue du film, à savoir des jeunes gens à qui le gouvernement impose de se battre jusqu'à ce que l'un d'eux survive - ben, Battle Royale évidemment. C'est le même scénario, sauf que la plupart des défauts que j'ai relevés dans Hunger Games, on ne les trouve pas ici. Il y a 40 personnages, et à la fin du film on arrive à se rappeler de la plupart d'entre eux et ce qu'ils ont fait durant la bataille, ils ont des traits marquants. La plupart des possibilités sont envisagées. Il y a peu de sadiques et la grande majorité cherche d'emblée la coopération, contrairement aux jeunes de Hunger games qui se ruent d'emblée, de façon pitoyable, au Cornucopia. Des flash-back nous aident à mieux connaître les personnages, à comprendre l'action et à mieux cerner la société totalitaire. C'est beaucoup mieux filmé, intéressant, la violence a un sens, elle est plus psychologique. On peut en tirer une morale.
Si Hunger Games n'était pas un roman à la base, je dirais que c'est une resucée scandaleuse de Battle Royale qui élimine toute sa substance. Ce film n'est pas seulement mauvais, il est carrément abject. L'équipe de production n'a manifestement qu'un seul but, celui d'amasser le plus d'argent possible par tous les moyens, et cela ils savent très bien le faire. Pas étonnant au fond que leur film manque tellement de profondeur.
0,5/5 donc pour le jeu de l'actrice principale qui est assez bon.