Il y a des films comme ça. Des films qui nous offrent d’agréables surprises. La première de celui-ci étant le coup d’essai habilement transformé par Pascal Elbé. D’ordinaire, on le voit plutôt dans des comédies, souvent populaires (« Les parasites », « Nos amis les flics », « L’amour aux trousses »…). Mais pour son passage à la mise en scène, il a décidé de s’attaquer à bien plus sérieux, en mêlant le polar au drame sociologique. A cette occasion, le réalisateur débutant nous gratifie de la beauté froide et noire de son cadre, intimiste et étudié. Construit comme un film-puzzle, où les fragments de vies de personnes différentes fusionnent soudainement suite à un tragique événement, « Tête de turc » est incontestablement LA réussite de ce genre en France depuis le début de cette année cinéma. Une des autres agréables surprises du film en est son scénario, solide, intelligent et captivant, qui distille des portraits au diapason. Il s’intéresse de près à ses personnages, sonde leurs blessures et les peurs, leurs douloureux secrets de famille, se permettant une réflexion sociale, qui plus est, est pertinente et d’actualité. Sans se montrer plaintive ou pleurnicharde, ni chercher à définir qui sont les victimes et les coupables, cette critique évite les caricatures avec brio, là où beaucoup se prennent les pieds dans les poncifs. Des points comme la violence gratuite et banalisée dans les cités, souvent du à l’immaturité et au manque de réflexion de ses auteurs, l’intégration (entre autres entre Turcs et Arméniens, dont la rivalité est assez méconnue), ou encore la situation difficile de mères solitaires et courageuses, sont soulevés avec subtilité, sous un œil qui évite d’être moralisateur, et sans se la jouer. La mayonnaise prend grâce à une belle brochette d’impeccables comédiens, qui donnent énormément d’épaisseur aux traits de leurs protagonistes. Si Roschdy Zem et Pascal Elbé sont égaux à tout le bien que l’on connaît d’eux, il faut notamment relever les prestations de Ronit Elkabetz, parfaite en femme digne, combative et pleine de cran, et les premiers pas au cinéma du jeune Samir Makhlouf, en gamin déchiré par sa conscience, qui constituent eux aussi une autre bonne surprise.
Le quotidien particulier de la vie dans une banlieue chaude, ce monde dans le Monde rempli d’agressivité et de révolte, les carences de l’Institution face à cela, le désespoir face à la dureté de certaines situations, ou encore comment le simple geste d’une seule personne peut lier plusieurs destinées… Comme vous pouvez le constater, l’intrigue est dense, fournie, et Elbé s’attaque à parler de beaucoup de choses, cachées derrière une trame policière pleine de tension, sans se perdre en chemin. Malgré tout, son message n’est jamais fataliste, préférant croire en l’homme. Le seul bémol à relever, est que les dernières minutes sont moins réussies, le final pâtissant un peu d’aller trop vite, alors que jusqu’ici, le film avait soigneusement pris son temps.
On ne lui en tiendra pas vraiment rigueur, puisque « Tête de turc » est une incontestable réussite, qui prouve bien que le Soldat film noir des troupes hexagonales n’est pas mort. Il vaut largement plus le coup d’œil qu’un « Blanc comme neige » ou « L’immortel », eux, bien trop calqué sur le modèle US. Une expérience séduisante et forte, aussi judicieuse qu’élégante.
D'autres critiques sur mon blog, avec photos et anecdotes ! http://soldatguignol.blogs.allocine.fr/
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