On va commencer en tordant le cou à une rumeur, qui s’est légèrement répandue avant que le film ne sorte : « The killer inside me » n’a absolument rien à voir avec « Dexter », et inversement. Que les choses soient claires pour ceux qui penseraient y voir un produit dérivé, surfant sur la vague du succès de la série TV, il n’en est rien. Une vertigineuse immersion dans le subconscient d’un homme pervers, imprévisible et froid, magistralement campé par Casey Affleck. C’est notamment grâce à lui que ce film bien barré vaut le coup d’œil, son jeu d’acteur réglé comme du papier à musique transcende vraiment le tout. Avec sa gueule d’ange et ses bonnes manières, il incarne idéalement le bon gars, bien sous tout rapport. Le tour de force consiste ici à donner vie à l’entité maléfique de ce même personnage avec une force égale, voir même supérieure. Et c’est totalement réussi, puisque avec sa voix basse et lente, son petit regard mesquin et ses airs arrogants que rien ne peut perturber, le petit frère de Ben Affleck nous offre également une facette bien cruelle de son Lou Ford. Le genre de gars instable et sévèrement dérangé, fourbe et manipulateur, qui n’agit qu’en suivant bestialement ses plus bas instincts, pouvant aussi bien couvrir une femme de baisers et de mots doux le matin, et la tabasser à mort le soir même, sans éprouver la moindre petite once de remord. Pris dans une interminable spirale de violence et de mensonges de plus en plus difficile à dissimuler, il sent le piège se refermer progressivement sur lui. A ses côtés, les seconds rôles sont épatants. Mais Winterbottom ne traite pas ici que de la psychologie de son anti-héros. Si il se livre avec grand soin à l’étude des méandres nébuleux de l’esprit tordu de ce psychopathe, il tente par la même occasion de dresser une critique sociale de l’Amérique des années 50. Ultra-moraliste et puritaine au possible en façade, cette époque d’après-guerre est également marquée par une violence exacerbée et une corruption ambiante, qui la ronge de l’intérieur. Exactement à l’image de notre shérif-adjoint, comme si la société dans laquelle il vit avait déteint sur lui… La reconstitution d’époque est minutieuse, l’ambiance rétro bien retranscrite, le tout accompagné par une image au grain appliqué, quelque peu passée, une narration très nerveuse, et une bande-son qui colle à merveille au sujet. Sans oublier le générique d’ouverture qui met tout de suite dans le bain. L’histoire, ténébreuse comme une rude nuit d’hiver, souvent teinté d’érotisme, est violente, parfois dérangeante, mais sans verser dans la complaisance. On ne choque pas juste pour jouer la fausse carte de la provoc’ inutile. Malheureusement, cette œuvre ambitieuse et pour le moins étrange, omet quelques détails qui font un peu grincer la belle machine, l’empêchant de pouvoir être assimiler à un VRAI grand film. Notamment dans la première partie, un brin de confusion se mêle à une histoire un peu complexe, et on peut regretter que Winterbottom ai préféré se concentrer à fond sur ses acteurs, soigné ses plans sur leur visage et expressions, au détriment de porter plus d’attention à son récit. Le second acte est bien meilleur, plus intense, l’odeur de souffre n’en finissant pas d’augmenter. Et la peinture du contexte de l’époque, qui s’attaque à dénoncer trop de choses, ne parvient pas à développer tous ses thèmes avec aboutissement. On pourra aussi regretter la pudeur contractuelle de Jessica Alba. Mais rien n’est vraiment rédhibitoire, et il serait très sévère, voir injuste, de dénoter ce long-métrage pour cela.
Loin d’être le film de serial-killer typique où l’enquête policière est mise en avant, « The killer inside me » est avant tout un polar bien sombre et glacial, qui ne nous fait aucune concession, et dont le réalisme, prenant, désarçonnant, est à saluer. Une chose est sûre, tout le monde n’aimera pas cette production indépendante pourtant pleine de classe, certains seront même dérouté par son climat délétère. Mais si vous aimez le genre de films qui vous offre ce qu’ils ont de plus serré, alors je vous le recommande vivement.
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