"The killer inside me" n'est pas un thriller (il n'y a en effet guère de suspense), ni un polar (pas d'intrigue policière, même si le crime est omniprésent et si le héros est un représentant de l'ordre), c'est donc, s'il fallait le classer, plutôt un drame, et aussi, et surtout, un film d'atmosphère, et des plus oppressantes encore. Cette adaptation de Jim Thompson, dont la noirceur des romans a déjà séduit des cinéastes comme les Français Corneau ("Série Noire", d'après "A Hell of a Woman") et Tavernier ("Coup de torchon", d'après "Pop. 1280") ou le Britannique Frears ("Les arnaqueurs", d'après "The Grifters"), est l'oeuvre à nouveau d'un Britannique, le prolifique Michael Winterbottom. Comme Frears, Winterbottom tourne aux E-U et bénéficie ce faisant des moyens hollywoodiens, grandioses. La reconstitution des années 50 dans cette bourgade texane à laquelle la toute récente manne pétrolière est en train de faire perdre son âme campagnarde est tout simplement parfaite - que l'on compare avec les productions françaises par exemple : là où les films hexagonaux font ce qu'ils peuvent avec des objets de brocante pour constituer les décors, les Américains montrent à l'écran des décors crédibles, qui n'ont pas l'air pitoyable et poussiéreux de reliques exhumées pour l'occasion, ainsi, les voitures sont neuves, et elles ont l'air neuf ! Ce portrait de Lou Ford, jeune shérif-adjoint, fils de notable, à l'aspect physique et social de gendre idéal, qui est en réalité un sadique et un tueur de la pire sorte, repose à l'écran entièrement sur la performance remarquable de Casey Affleck. Cette incarnation du mal, plus que réussie, désarmante de naturel, permet de passer au-dessus des faiblesses du scénario (nombreuses ellipses, pistes "explicatives", quasi psychanalytiques, un peu fumeuses). La mise en scène est à la hauteur de cette "masterpiece" de criminel, de ce criminel d'anthologie, qu'est Lou : on retiendra spécialement les séquences où il massacre ses deux maîtresses (Jessica Alba, très faible, et Kate Hudson, meilleure) - en surmontant l'horreur irrépressible qu'elles suscitent, on reste fasciné par leur sombre et redoutable théâtralisation.