"Les films de votre époque sont des copies des précédents" entend-on un personnage de Looper dire. Une bien juste remarque car, même si le film se déroule en 2044, il est évident qu'elle est destinée à notre époque. Soyons lucides: beaucoup de créations actuelles sont des remakes ou redites de ce qui a déjà été fait. Le jour où la Terre s'arrêta, Le Survivant, Total Recall ou encore Robocop ont tous été faits et refaits, et ce n'est là qu'un petit échantillon des productions fantastiques qu'on aime ressortir des décennies après leurs sorties. Mais ici, point de remake mais uniquement une variation sur le thème de la saga Terminator, à savoir le voyage dans le temps. Conscient de la difficulté de passer derrière les films de James Cameron, Rian Johnson se refuse à bégayer péniblement leurs déroulements. Dans ce nouveau film, l'envoyé du futur n'est pas à une menace pour le présent, puisqu'à peine arrivé à destination, un homme armé l'attend comme terminus. Cet homme, c'est le Looper, un tueur du présent engagé par la mafia du futur pour abattre des hommes dangereux pour elle. De ce fait, elle expédie ceux qui la menace dans le passé (le présent donc) pour que le Looper les tue. Une machine bien huilée. Mais un jour, l'un de ces "loopers", Joe, se rend compte que sa cible n'est autre que...lui même, plus vieux de 30 ans. Son double parvient à s'échapper, et Joe n'a d'autre choix que de le retrouver et le tuer pour...sauver sa peau. Johnson, loin de remixer l'Armée des 12 singes ou Terminator, tricote un nouvel univers tranquillement, et se montre même original dans son traitement de l'intrigue (finalement assez intimiste) ou de ses personnages. Il se permet même de prendre à contre-pied le principe initié par la franchise de Cameron. Cette fois-ci, la menace ne vient pas du futur mais plutôt du présent. Jouant parfaitement sur l'effet miroir, le réalisateur nous présente deux Joe, aux chemins diamétralement opposés. Il ne s'agit pas uniquement de leurs statuts (le tueur, la cible) mais aussi leurs voyages intérieurs, qui diffèrent sensiblement. En se concentrant plus sur les dialogues et l'exposition, Johnson parvient à emballer une intrigue retors et plutôt atypique. Parfaitement servie par des comédiens en grande forme (Joseph Gordon-Levitt, Bruce Willis, Emily Blunt), on se délecte de cette nouvelle création qui, comme Inception ou Source Code, offre un vrai terrain de jeu pour les matières grises. Cependant, certains défauts subsistent: le maquillage de Gordon Levitt, pas toujours très convaincant, et un rythme quelquefois en dent de scie. Mais, malgré ses réserves, Looper s'impose comme l'un des films les plus originaux de l'année 2012.