Avec Moonrise Kingdom, Looper permet à Bruce Willis en 2012 de redorer un peu sa filmographie qui n'a malheureusement rien de bien valable depuis 2006. Non pas que Looper soit un film d'exception, mais n'en demeure pas moins un impeccable divertissement au scénario recherché et au casting irréprochable. La seule chose qui coince un peu pour moi est le scénario. Même s'il est nickel et très bien ficelé, par moments je n'étais pas suffisamment plongé dans l'univers pour le prendre au sérieux. Tout est cohérent, tout est bien pensé, mais je trouve particulièrement dommage qu'on n'ait pas d'aperçu plus précis du règne du Maître des pluies (d'autant que ce nom est d'un ridicule enfantin). Comme on ne se rend pas bien compte de l'étendue de son pouvoir avant la fin du film, il est difficile de comprendre entièrement les motivations du vieux Joe. Enfin, si, on comprend bien ses intentions et ses raisons, mais je ne me suis pas senti impliqué dans le film du tout. Ceci dit, c'est le seul aspect qui pêche car pour le reste, Looper est bien réglé, bien construit et contient des scènes qui méritent d'être retenues. La construction du film est particulièrement intelligente au moment où Joe a pour mission de débarrasser de son soi futur. Premièrement, le face à face avec les regards style western est jubilatoire ; la première apparition de Bruce Willis dans le film est assez épique. Tout la séquence qui s'ensuit est alors du pur bonheur. Le spectateur a tout d'abord l'impression d'être perdu, mais on comprend vite la subtilité de ce passage qui, conformément au thème du film, se boucle lui-même. La séquence des "30 ans" est vraiment bien menée, offrant quels plans originaux rappelant par ailleurs un style à la Sin City. Même si l'évolution physique n'est pas exceptionnelle, elle est suffisante et permet de comprendre l'histoire du "vieux" Joe de façon très rapide. Qui plus est, la séquence vient à point nommé dans le film, le timing est adéquat. Ensuite, le film se déroule avec une certaine inventivité et beaucoup d'humour très discret, comme la scène au restaurant où les deux acteurs échangent quelques mots. Il est d'ailleurs curieux (et dommage) que les dialogues entre les deux personnages soient si rares, mais c'est forcé par l'opposition naturelle qui s'instaure entre eux. Outre ceci, le film n'est pas dénué d'émotion et de frisson, en témoigne le destin de Seth, joué par l'excellent Paul Dano qu'on commence à voir de plus en plus au cinéma. Son rôle dans Little Miss Sunshine m'avait énormément plu, et son rôle principal dans Elle s'appelle Ruby m'a vraiment inspiré confiance. Ca n'a pas loupé, car son jeu est excellent pendant toute la première partie du film, chose qui n'est pas anodine. En effet, comme Bruce Willis n'arrive que tardivement dans le film, il fallait que le début du film soit suffisamment fort pour conquérir le public et le personnage de Paul Dano était essentiel dans cette perspective. Un acteur moyen aurait probablement changé la donne. Niveau émotion, Bruce Willis fait également parfaitement son boulot, notamment lorsque son personnage tue le premier enfant et réalise que son meurtre n'a aucune influence sur son présent. L'occasion de rappeler que le "vieux" Joe n'est pas le mauvais de l'histoire malgré sa détermination un peu douteuse. Pour rester dans le frisson, la scène qui m'a le plus marqué est évidemment celle où on découvre l'identité du Maître des pluies. Cette magistrale scène au ralenti est d'un esthétisme absolu, avec un accompagnement sonore vibrant et puissant. Inutile de dire que le casting n'est pas pour rien dans la réussite de ce film, le gamin Pierce Gagnon étant l'acteur le plus flippant du film. J'ai été ravi de revoir Garret Dillahunt qui, après Raising Hope, montre qu'il n'est pas cantonné à un personnage débile. Je sens d'ailleurs que cet acteur va décoller dans les années à venir car son talent dramatique semble aussi énorme que son talent humoristique (j'ai hâte de découvrir Oliver Sherman). Pour ce qui est de Joseph Gordon-Levitt, mon ressenti est mitigé. Le maquillage réalisé sur l'acteur pour le faire ressembler à Bruce Willis est troublant et parfaitement réussi, mais cette contrainte a malheureusement l'inconvénient de limiter considérablement son jeu. Obligé de calquer les expressions de Bruce Willis (pour un rendu saisissant), l'acteur n'est pas aussi à l'aise qu'il le devrait et ses capacités sont restreintes. Mais globalement, Looper est un film fichtrement bien foutu et bien joué, que j'ai pris plaisir à découvrir deux fois au cinéma. Pas révolutionnaire, pas spécialement marquant, mais extrêmement divertissant et malin pour qui souhaite se détendre sans brûler ses neurones.