Un film qui laisse une sensation amère. Car c’est avant tout un déballage familial, un règlement de compte, voir même une psychanalyse. Est-ce que Eva Ionesco arrive à transformer cela en une œuvre d’art, voir en spectacle, la question se pose. ? La réalisation est correcte, sans plus, le montage un peu loupé, avec parfois des répétitions. Il semble cependant que Eva arrive à rester assez « objective », si cela est possible dans une telle circonstance. Ce n’est pas un document à charge contre sa mère : elle montre sa mère et elle même sous des jours pas très favorables. Irina un peu déjantée, très excentrique, opportuniste aussi, qui veut faire de l’argent avec ce qui marche, surfant sur la mode des JFilles pubères (comme Hamilton et d’autres le feront aussi). La fille, qui ne sait pas dire non , qui aime aussi ,quelque part, poser , flattée comme peut l’être une JF, mais ne connaît pas les limites de ce jeu, et une attirance pour l’interdit pas clair. Une relation complexe, justement parce que c’est la mère et c'est la fille. On voit aussi que cela se passe dans les années 70, où le curseur sur les bonnes mœurs n’était pas le même qu’aujourd’hui. Tout ce qui touche à la pédophilie (mot peu utilisé à l’époque) n’était pas encore blacklisté. D’ailleurs ce curseur n’est pas clair, car on peut se demander aujourd’hui si Eva Ionesco elle même n’abuse pas de la situation avec sa jeune actrice. Elle la déguise beaucoup, la dénude un peu, la pousse beaucoup. Est-ce que dans 10 ans ce film sera encore « acceptable ». ? Est-ce que le tournage n’a pas été traumatisant pour la jeune actrice ? Elle même a été confronté à tout cela à son époque. Où est la limite entre le nu artistique et l’abus sur personne mineure. La justice hésitera d’ailleurs dans la vraie vie, puisque Irina gagnera le procès en 1ere instance sur la liberté de création, mais perdra à la cour d’ appel, avec interdiction de diffuser les photos de sa fille JF mineure. Ce qui sauve le film c’est surtout l’interprétation remarquable des deux actrices principales : Isabelle Huppert formidable qui tient une de ses meilleurs rôles, extravertie, foldingue, mais belle et envoutante, et qui donne une vraie profondeur au personnage. Et la jeune A. Vartolomei qui est excellente dans un rôle très difficile, et s’en tire parfaitement bien, en s’impliquant fortement. . Certains seconds rôles sont très forts aussi : la grand mère roumaine, très attendrissante, Denis Lavant ( qui ne tourne pas assez , et qui nous rappelle toujours son cultissime rôle dans « Mauvais sang ») qui est ici très bien dans son rôle de « Corneille » , et Louis Do Lencquesaing toujours impeccable dans ses apparitions, mêmes courtes. Un film ambigu, un peu malsain, mais qui a le mérite d’apporter un éclairage unique sur ce sujet complexe.