Le malaise est inévitable, eu égard aux sources autobiographiques de l'histoire que raconte Eva Ionesco dans My little princess. Ce sentiment trouble est voulu clairement par la réalisatrice, qui règle ses comptes avec une mère qui lui a, un jour, volé des bribes d'enfance, pour en faire une poupée de chair dont les portraits sulfureux ont fait le bonheur des magazines d'art et, plus grave, les choux gras de journaux moins recommandables. A l'époque des faits, on ne parlait pas encore de pédopornographie. Aujourd'hui, difficile d'éviter le terme, dans ce portrait à charge d'une "perversion" maternelle, contre laquelle, évidemment, nous n'avons pas les arguments de la défense. Sur le plan cinématographique, cette fois, Eva Ionesco signe un film plutôt brillant, qui ne sombre pas dans le voyeurisme, et qui déploie une structure narrative très intéressante, avec des seconds rôles doués d'épaisseur, tels la grand-mère roumaine ou le camarade artiste, joué par l'excellent Denis Lavant. Face à une Isabelle Huppert juste dans l'hystérie et la démesure, ce n'est pas une surprise, la jeune Anamaria Vartolomei est incroyable, y compris dans les moments les plus scabreux. Une prestation qui, on lui souhaite, lui laissera moins de séquelles qu'à Eva Ionesco, dont le film est sans aucun doute une catharsis dont elle avait besoin.