Alors là, les bras m'en tombent. Je ne sais plus si je suis en colère d'avoir été voir ce film tout ou simplement démoralisé face à tant de niaiserie. Je ne sais plus quoi faire. Faut-il que je bannisse une fois pour toutes les émissions sur le cinéma, à la radio, à la télé ? Faut-il que je me bouche les oreilles ? Faut-il ne plus rien lire, ne plus rien croire ? J'ai entendu le plus grand bien sur ce film pendant sa semaine de promo. Je sais que Ozon à la faveur des médias (Lobby gay ? Non, je n'y crois pas du tout), mais tout de même, de la part des médias berner le public à ce point, ça passe les bornes ! Il est beau gosse, ce Ozon, mais tout de même ! Bon, le pitch et qu'on en finisse : je ne vais rien vous révéler, tout le monde le sait : un couple ordinaire a un enfant extraordinaire : ce bébé a des ailes. OK. Moi, je veux bien. Aucun problème avec les films fantastiques, j'adore ça. Et le fantastique dans le quotidien, c'est encore mieux. Moi, je crois à tout ce qu'on veut me faire croire pourvu qu'on s'y prenne bien. Sauf que là, c'est très mauvais, c'est affreusement mauvais. Rien ne tient debout, rien ne marche. D'abord ceci : quand la maman (Alexandra Lamy, plutôt bien) découvre que des ailes ont poussé dans le dos de son bébé, comment croyez-vous qu'elle réagisse ? Eh bien, elle est tout simplement... étonnée. Eh oui. Non, elle ne perd pas du tout la tête. Non, elle n'éclate pas en sanglots, ne tombe pas à genoux, ne fait pas de prière, ne hurle pas. Ni l'envie de dégueuler (comme j'ai eu) devant ces horribles petits moignons d'ailes comme des ailes de poulet cru, et qui bougent. Non, la maman n'est pas du tout effrayée, ni angoissée, ni ne tombe en dépression, ni n'a envie de noyer le gamin (le monstre ?), ni des conneries de ce genre. Bon, ça va quoi, elle a un enfant qui a des ailes, ok c'est bizarre, mais bon, on va pas en faire un fromage ! "Etonnée" je vous dis, tout simplement étonnée, comme le prouve ce dialogue quand elle découvre la chose : "C'est dingue, regarde, c'est des ailes !" dit-elle à sa fillette, tout aussi "étonnée" qu'elle. Et plus tard, au petit-déjeuner : ( Je crois qu'il ne faut pas que tu en parles à l'école ! — Pourquoi maman ? — Parce qu'il est différent") Tu m'étonnes qu'il est " différent" ! Comme si au fond, ce bébé était né avec une simple malformation, (un sixième doigt, des pieds palmés...) bref un truc curieux, certes, un truc pas courant, pas banal, mais pas de quoi se cogner au plafond (c'est la cas de le dire dans le film : le bébé, vous vous en doutez, se cogne beaucoup au plafond pendant le film, suscitant des "oh !" et des "ah !" horrifiés parmi les spectateurs). Pareil : le père (Sergi Lopez, belle bête mais assez quelconque) qui avait quitté le domicile conjugal et qui revient quand il apprend dans la presse que sa femme a eu un bébé qui vole, n'a rien d'autre à dire, lorsqu'il voit son enfant voler (en se cognant un peu) dans la chambre que : "Génial !" Peut-on faire plus cool comme parents ? Mon fils vole ? : génial ! Enfin bref, je ne vais pas vous en faire une tartine, et je vous passe les rapports du couple qui sonnent complètement faux, exemple : Avant que les ailes ne sortent, le bébé a comme des hématomes au niveau des omoplates. D'abord un premier "bleu" à gauche. Donc la mère flippe grave et soupçonne son mec de frapper l'enfant. Le père dément formellement. Quelques jours après, deuxième "bleu" à droite. Alors là, la mère pète un plomb et réitère l'accusation :" Tu me soupçonnes de frapper ton fils, c'est ça ? — Oui." Et le père de quitter sur-le-champ, silencieusement, le domicile conjugal (colère froide) pour bien montrer qu'il est pas content (na !). T'as juste envie de lui dire : hé ho, tu l'as pas frappé le gamin ! T'as aucune raison de t'en aller ! Et quand il reviendra, c'est là qu'il verra le gamin voleter dans les airs et qu'il s'écriera : "Génial !" Evidemment, quand la mère s'aperçoit que ce n'était pas des "bleus" mais des ailes qui poussaient, croyez-vous qu'elle rappelle le père et s'excuse ? Allons donc ! Ah, les femmes ! Bon, je sais, c'est pas joli d'être moqueur mais c'est parce que je suis énervé. Doublement énervé. Premièrement, j'en ai marre, mais alors MARRE, de me laisser berner par ces émissions de cinéma de radio ou TV qui sont toutes plus ou moins co-productrices des films français et n'ont d'autre choix que de les louer à outrance. Mais ils pourraient, tout de même, un peu se retenir. Je devrais me souvenir de ça et je l'oublie toujours. À quand une vraie émission critique ? Deuxièmement, parce que le film est raté mais l'idée, le pitch est bon, et aurait pu donner quelque chose de très joli. Ce bébé qui a des ailes, c'est évidemment un séraphin, ou un ange, ou quelque chose de cet ordre-là. On aurait voulu assister à une fable moderne, une belle histoire sur la différence, sur la tolérance. Sur la liberté. Il y avait de quoi faire un beau scénario. Il aurait fallu que ce bébé "pas comme les autres" bouleverse la vie de ses parents, les change, les transforme, leur donne une vision "différente" du monde. Y a de quoi, non ? Et puis, ce bébé est peut-être un ange... Qu'a t-il à leur dire ? Pourquoi eux ? Qu'est-ce que tout ça signifie ? Malheureusement, rien de tout ça. Rien, rien rien. Ce "bébé" (qu'ils adorent) va juste leur donner des problèmes à gérer (les journalistes, les médias, découper des trous dans ses chemises pour les ailes etc.). Et puis, c'est tout. Mais oui, vous avez bien lu : c'est tout. Bon, je sais : la critique est aisée, l'art est difficile. Fais donc un film toi-même, on en reparlera. Je ne veux pas accabler Ozon. Mais n'est pas Kubrick qui veut. Je l'ai entendu, sur une radio, se réclamer de tous les genres de cinéma et de ne pas vouloir se cantonner à un seul. Alors, pourquoi pas le fantastique ? Oui, en effet, pourquoi pas. C'est tout à fait légitime de la part d'un réalisateur, tout à fait respectable, mais sacrément casse-gueule (et un brin prétentieux). Kubrick, il est vrai, s'essayait à tous les genres (horreur, film d'époque, science-fiction, guerre etc.). Il a d'ailleurs été le seul et nous a, à chaque film, pondu un chef d'œuvre. La barre est haute, François, très haute, mais vas-y, on est avec toi ! ¨