Richard Jenkins est tout ce dont le film a besoin, pourtant il laisse de la place à ses collègues. C’est là que tient tout sa préciosité dans un film qui n’a même pas la fantaisie de montrer qu’il est sans artifices. Jenkins, c’est le vieux pas trop paumé, pas trop patibulaire, ennuyé mais pas collant, gentil et doux par petites touches. Il est fabuleux.
Tout repose sur la stature des quatre acteurs principaux, des kaléidoscopes humains qui ne se révèlent jamais sous le même angle dans cette histoire somme toute classique d’immigration à New York, cette variation de la Green Card.
Il est presque facile de faire ressentir l’absence de l’immigré soudain emprisonné, cet homme dont notre attachement pour lui s’est construit sans crier gare ; c’est fait en le retirant simplement du jeu, mais quel manque ! C’est lui (ce manque, cette disparition de Haaz Sleiman qui prend vraiment au cœur) le grand atout de cette œuvre.
Et soudain l’on comprend toute la douce manipulation de The Visitor, ses gestes lents et mesurés qui nous ont guidé sur plusieurs exutoires : l’empathie, la musique, l’espace.
Un espace découpé dans New York comme s’il n’en était rien, mais pas d’un œil blasé ; une mise en scène ambiguë, semblable aux molles attentions du personnage de Jenkins, une mise en scène qui ne brille pas, mais… Une couleur mate ou brillante reste bien la même.
L’absence se ressent autrement lorsque le manque est plus négatif, qu’il n’est pas signe d’attachement mais de dépendance. Tandis que la fin approche, on regrette que rien ne mène nulle part. La musique est un regret. Les liens se tissent comme de faux nœuds vite défaits. L’absence n’éclot pas.
Voir The Visitor, c’est se tourner, dans la rue, sur la vie d’un homme qui semble fait sur mesure pour Jenkins. C’est profiter de la performance des interprètes et lever le sourcil sur un temps qui passe l’air de rien, sur une douceur de vivre dont on apprend à apprécier la fadeur à travers les facettes de l’Homme. C’est aussi, en définitive, se trouver avec des moignons d’éventualités insatisfaites.
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