The Ghost Writer aborde la politique par le prisme de l’enfermement, se saisissant de la maison de Lang comme d’un lieu d’exil que des caméras et des agents surveillent, que des journalistes et des manifestants tentent d’approcher dans l’espoir de blâmer le monstre de guerre. Nous entendons ici une résonance avec l’œuvre de Roman Polanski, habitué aux huis clos paranoïaques, ainsi qu’avec sa propre actualité judiciaire, le cinéaste étant alors poursuivi par mandat d’arrêt international – il finira d’ailleurs la post-production dudit long métrage derrière les barreaux. De même, nous retrouvons son intérêt pour les figures de marginaux, incarnées ici et par cet écrivain de l’ombre qui évolue dans un environnement intérieur et extérieur qui lui rappelle en permanence ce statut, et par l’homme politique dont il réécrit les mémoires, victime d’un scandale qui ne l’implique pas tant lui que son épouse.
Se tisse alors entre les deux hommes une relation complexe, faite à distance, par procuration : le fantôme sans nom erre dans une maison inhospitalière à la recherche du « cœur », comprenons du sensible à même de rendre l’autobiographie vendable ; il ne trouvera que solitudes, rancœurs et incompréhensions, remontant la piste d’un prédécesseur noyé. Le scénario a alors l’intelligence d’écrire un protagoniste principal à côté de la plaque, peu inspiré, auquel il faut donner un coup de pouce : piètre détective, incapable de se plier aux règles de son employeur, il suit les sentiers qui lui sont indiqués, à l’instar de la séquence en voiture au cours de laquelle ce n’est pas le conducteur qui programme la destination du GPS mais le GPS qui attire le conducteur vers sa destination. Face à un Pierce Brosnan sportif, en témoignent les footings réguliers, il se montre tel un corps faible, chétif, que l’on dérange nu dans son bain ou auquel on prête le costume de l’absent. Il n’a pas de présence physique, est réduit à l’état de fantôme – nul hasard si, à terme, il finit par disparaître dans le vent, par s’envoler.
Pèse sur The Ghost Writer un climat oppressant d’inquiétante étrangeté, annoncée dès l’ouverture par ce travelling avant sur un véhicule oublié, dépourvu de propriétaire apparent : le cadre géographique isolé, la photographie désaturée, la partition lancinante signée Alexandre Desplat façonnent un microcosme entre réel et irréel qui fascine du début à la fin. Nous regretterons alors que l’intrigue politique occasionne des longueurs qui cassent le rythme d’ensemble. Qu’importe. La clausule, brillante, marque les esprits par un habile mélange de suspense et de cynisme : écrivain et spectateur sommes renversés par un excès de candeur qu’un monde immonde ne saurait pardonner. Étrangers au fonctionnement caché de ce vaste spectacle, enorgueillis par la fière découverte d’un scandale qui risque d’éclabousser les puissants, nous levons notre verre pour aussitôt retourner dans l’oubli. Une bien terrible leçon pour une œuvre intelligente à l’esthétique stimulante.