Le deuxième film que je vois de cette réalisatrice très douée. J’avais admiré déjà « Gemma Bovery », et la prestation de Fabrice Luchini, déjà présent dans la distribution. Même si les intrigues sont très différentes, les situations sont un peu les mêmes. Nous voyons un homme dans l’âge mûr, intellectuel et introverti, soucieux de son indépendance, succombant au démon de minuit, et se retrouvant vite en danger.
Dans les années 30, Joseph Von Sternberg en fit l’intrigue de « L’ange bleu », avec Marlène Dietrich, en pétroleuse, mettant un vieux professeur sous sa coupe, et le ridiculisant. Louise Bourgoin, ex star météo de canal +, n'a pas de bas résille, mais est habillée tout en rouge écarlate, et quand elle passe dans les rues de Monaco, en mini jupe, sur son scooter, c’est comme un trait de rouge à lèvres.
La rencontre avec cet avocat célèbre, plus adroit au tribunal qu'en société, est d’un grand effet comique. Il est venu sur « le rocher » pour défendre une femme coupable d’un homicide passionnel. Sa cliente lui adjoint d’office un garde du corps, joué par Roschdy Zem, en agent de protection. Un vrai professionnel, tachant d’écarter tout danger éventuel, suivant son client à la trace.
Malgré son talent, et ses efforts, il ne parviendra pas à protéger durablement son client, dont la passion naissante devient l'ennemi de son image professionelle, et de son équilibre. Cette miss météo qui officiait sur Canal, faisant des bulletins météorologiques alertes et déjantés, joue son propre rôle, dans le film. C’est ainsi, sur un écran de TV, à l’hôtel, qu’elle apparaît à Luchini, légère et primesautière, pour la première fois, comme la révélation d’un ailleurs inconnu, le laissant bouche bée. .
La seconde fois que l'avocat verra notre égérie , cette fois ci de visu, c'est sur le plateau TV où il est invité. Ce passage du film n’est pas anecdotique. L’écran n’est plus là pour le protéger, et le garde du corps va se faire rembarrer. . Il va se jeter en toute inconscience dans l’arène, les paillettes et les mystifications de tous ces « people » attachés à cette belle blonde, chantant les tubes de B.B, tel ce "Sur la plage abandonnée. .
Je suis très surpris des critiques parfois très sévères, au point que je me demande si nous avons vu tous le même film. .C’est une excellente comédie, jouant avec les fantasmes, laissant amusé et rêveur, admiratif devant tous les imbroglios de l'intrigue, très travaillée. Des passages du film ou notre homme est très à son avantage, tronant avec assurance au tribunal, quand il assure brilllament la défense de sa cliente, attirant les compliments, y compris de notre vamp, on ne reconnait guère notre homme, se transformant en enfant sous influence, dans la sphère privée.
Néanmoins, on s'apervevra que notre héros n'est pas tout à fait alors en position "off", car il collecte du matériel, des arguments, qui lui serviront dans la rhétorique de ses plaidoiries. Anne Fontaine, dépeint ainsi très bien le mécanisme de la création, qui fait son miel de toutes les expériences hors champ, pour se déployer, et faire sens, et systémie dans l'oeuvre.
On s’amuse énormément des situations. Ce n’est pas la première fois qu’un vieux barbon se fait mener par le bout du nez, et se met en danger. Une situation évidente pour n’importe qui. Mais l’amour on le sait, ou ce qui y ressemble, en terme de mise sous influence, se conjugue avec l’aveuglement. J’ai admiré le jeu des trois acteurs principaux, la mise en scène très tonique.
Elle louvoie sur le mystère des attirances. Car le scénario se joue des complémentarités et les incompatibilités entre les acteurs, ,dans cette danse à trois, ou chacun à ses cartes de séduction. L’avocat à le prestige et la rhétorique, mais il est infirme au niveau émotionnel. La belle a la beauté plastique, du magnétisme, une absence totale de retenue, et de l’ambition sociale. Le garde du corps, lui, a l’intelligence pratique de celui qui a encaissé des coups, et a grandi en sachant retenir les siens, pour en faire un métier. Voilà le plateau : Une allumeuse assez diabolique, un intellectuel lunaire et introverti, et un ex bad boy impulsif, et repenti.
Mais au delà des différences culturelles et sociales entre eux, l’intrigue nous parle du mystère des relations ; quand la passion l’emporte sur la raison, et quand les différences entre les gens, ne sont plus des obstacles, mais deviennent parfois des motifs d’attraction.
Ainsi, dans cette comédie à la Marivaux, mais qui rappelle parfois les relations croisées, étranges et distanciées, chères à Eric Rohmer, l’histoire ne se contente pas de broder autour du couple principal, cette belle garce, et l’intellectuel idiiot, dans un registre que Woody Allen a si souvent développé.
Il finit par consacrer la relation bien plus profonde qui lie le garde du corps taiseux, ombrageux, mais efficace, avec cet avocat lunaire, bien plus à l’aise dans la rhétorique que dans la vie réelle. Tous deux se surveillent, et s'admirent. Bien que totalement différents, leur amitié va rendre inéductable un souci réciproque de l'éthique et du devoir. La fin est ainsi admirable, et d'une moralité étrange mais indiscutable.