[REC] ou la véritable réussite du Found footage (style filmé caméra à l'épaule. Sorti en 2008, [REC] est le nouveau champion espagnol à atterrir sur nos écrans de cinéma. Le film est déjà précédé d'une carrière en festival remarquable (des prix prestigieux entre autres à Sitges, Gérardmer, Fantasporto...), a remporté deux Goyas (les Césars espagnols) récompensant le montage et la révélation féminine Manuela Velasco, tout en s'assurant un succès solide au box office local. Pourtant, le buzz de [REC] n'a rien de calculé. Il s'agit d'un petit film au budget étriqué (même pas un million d'euros), tourné en vidéo et produit dans un laps de temps très réduit (sept mois). Le métrage est en réalité une «récréation» que se sont offert les deux cinéastes Jaume Balaguero (FRAGILE, MALVEILLANCE) et Paco Plaza (ROMASANTA). Un petit film facile à monter financièrement, sans stars ni pression, doté d'un concept expérimental plutôt casse-gueule : le film est doté d'un point de vu unique, celui d'une caméra qui enregistre en «brut» l'action se déroulant sous son objectif. L'histoire : Une petite équipe de télévision, constitué d'une jeune animatrice Angela Vidal (Manuela Velasco), et d'un cadreur Pablo Rosso s'installe dans une caserne de pompiers à Barcelone pour suivre une nuit de travail. C'est alors qu'un appel de détresse les conduit à l'intérieur d'un immeuble pour secourir une vieille femme faisant un malaise dans son appartement. Mais en défonçant la porte, les pompiers sont attaqués par une septuagénaire incontrôlable et hystérique. Malgré l'horreur de la scène, la petite caméra de télévision va tout filmer et devenir le témoin d'une situation qui va devenir incontrôlable.
Avec [REC], les espagnols Balaguero et Plaza ont donc utilisé le procédé du reportage télé pour donner à voir l’action de façon subjective, du point de vue de cette caméra qui ne symbolise pas uniquement ce que voit l’opérateur, mais qui à un degré plus élevé de réfléxivité, renvoie au regard du téléspectateur et du public dans la salle. Il faut bien avouer que cette partie là du film est réussie et remarquable. L’expérience vécue par les personnages est partagée par les spectateurs dans cette communion macabre et hystérique. En même temps, ce parti pris esthétique apporte une neutralité au film, qui enregistre les événements en direct sans favoriser l’empathie envers les victimes du virus. Ce qui frappe réellement dans [REC] c'est le réalisme de la situation vécu comme si le spectateur était sur place via la caméra. [Rec] est un modèle de survival, efficace dans ses passages gore, et limite insoutenable lors de son finale. Tourné avec une équipe serrée et des acteurs non-professionnels (Manuela Velasco qui joue le personnage principal, est une vraie journaliste de télévision, et Pablo Rosso, le directeur de la photo du film, est l’homme qui tient la caméra et qu’interpellent les habitants de l’immeuble), [Rec] profite à fond de son petit budget, et du lieu de tournage naturellement flippant :
un immeuble mis en quarantaine dont la cage d’escalier peu éclairée est propice à la montée de la tension.
. Quant aux effets gore et de terreur, ils sont distillés avec subtilité par le couple-réalisateur qui profite des ombres pour souvent suggérer l’horreur,
même si bien sur, le taux d’hémoglobine présent dans [Rec] est très élevé. Ce qui prédomine c’est ce sentiment assez jouissif d’avoir à passer une épreuve. De se dire que durant le temps de la projection, on sera aux cotés des personnages à souffrir dans leur calvaire.
Le point fort de [REC] est son réalisme. Tout y est juste, authentique. Les zooms pour faire la mise au point contribuent ainsi grandement à la crédibilité du métrage.
Mais pas seulement. La présentatrice prend à part le cadreur pour l'inciter à couper la caméra si l'interview se révèle peu intéressante. Parfois, elle lui demande si sa position dans le cadre est bien... Tous ces petits détails semblent anodins et pourtant ils donnent toute sa consistance au métrage.
L'image est brute de décoffrage. Le seul éclairage artificiel présent à l'écran est celui prodigué par la lampe de la caméra. Par conséquent, il n'est pas rare que les protagonistes soient plongés dans l'obscurité ou baignés de la lumière crue d'un néon. De ce fait, le cadreur (qui est le véritable personnage principal du film, alors même que l'on ne le voit jamais) est obligé de composer avec. Il zoom, dézoom, joue avec le diaphragme et la bague de mise au point... Réaliste ? Non : réel.
Puis la violence éclate et le caméraman est forcé de capter ses images dans l'urgence. Le rythme de [REC] s'accélère soudain et devient presque syncopé. La caméra s'affole, prend des beignes, change constamment de focale...
Une sacrée performance compte tenu du fait que le film est composé d'une série de longs plan-séquences. La tension va crescendo mettant le spectateur de plus en plus mal à l’aise dans sa situation de « victime/voyeur », à tel point qu’on perd complètement le contrôle devant les événements qui se se succèdent à l’écran. Et si ça ne suffisait pas on nous balance sans prévenir des scènes chocs, gores et impressionnantes… de quoi bondir de son siège à de nombreuses reprises!!!
(la scène du grenier… géniale même si on sait qu’il va se passer quelque chose on se fait avoir!)
. Le spectateur assiste véritablement à un concept train fantôme avec une dernière partie complètement contrasté avec la contamination, et le survival, mais qui distille une ambiance encore plus glauque et gore
(l'exorcisme suggéré, complot du Vatican ???), et les dernières minutes sont juste de véritables chocs visuels surtout avec le mode vision de nuit (Tristana Medeiros, un monstre plus terrible et horrible, décharnu et plus malsain que les infectés, qui cherche dans l'obscurité, marteau à la main, Angela et Pablo pour les massacrer).
Touche finale à la crédibilité du film : le travail du son. Ici tous les bruitages sont passés à la moulinette pour ressembler à ce qu'aurait capté le micro de la caméra.
Ainsi, lorsque l'un des agents de police en présence, tire des coups de feu à quelques centimètres de la caméra, le son sature et parasite.
De même, la caméra reçoit parfois des chocs importants. Ce qui à pour conséquence de créer de violents larsens et autres sonorités peu agréables.
Enfin, les acteurs sont d'une authenticité tout à fait impressionnante. Et pour cause, ils sont en roue libre : pas de texte, juste de l'improvisation. Le rendu est criant de vérité.
Au final, [REC] est un simple coup de génie. Toute son efficacité repose sur sa lecture intelligente de la société. Aujourd'hui, les croyances populaires s’étiolent, La société dans laquelle nous vivons, est tellement médiatisée, que bien souvent la réalité ne nous parvient qu’à travers le petit écran. Alors forcément, utiliser le format télévisé pour atteindre le spectateur, c'est forcément efficace. Pour moi un chef d'oeuvre dans l'âge d'or du Found Footage.