Il est assez émouvant de voir le personnage de Tati reprendre vie à l'écran et accomplir des tours de passe-passe, l'animation concrétisant un rêve du cinéaste, à titre posthume. Chomet a abordé le projet avec délicatesse, entre hommage, fidélité à l'oeuvre et à l'esprit de Tati, et sensibilité personnelle. Le mariage des deux univers créatifs est très réussi.
Une grande silhouette un peu raide, une maladresse qui ne manque pas d'élégance, un comique de geste et de situation, quelques mots et borborygmes jaillissant de-ci de-là : Jacques Tati est bien là, servi par un graphisme joliment anachronique et remarquablement animé. Par ailleurs, les décors urbains et les paysages de la campagne écossaise bénéficient d'un dessin très soigné, d'un luxe de détails, de superbes couleurs et variations de lumière.
Sur le plan dramatique, le ton est à la mélancolie. Le sens du burlesque de Tati n'a jamais été aussi triste. C'est la fin d'un monde : celui du music-hall. On croise un clown alcoolique et suicidaire, un ventriloque sans le sou et SDF... Quant au prestidigitateur, il finit par lâcher son lapin blanc en pleine nature. C'est aussi l'avènement du rock, du star-system et de la société de consommation, croqués avec un dépit cocasse. Ce tableau social ne manque pas de finesse. En revanche, l'histoire centrale, autour de la relation filiale entre la jeune fille et le magicien, n'est pas des plus originales.
Au final, L'Illusionniste n'est probablement pas le scénario le plus riche et inventif de Tati, mais Chomet a su lui donner un charme unique.