Avec les bons échos reçus via leur travail sur Ils, pas étonnant que des réalisateurs tels que David Moreau et Xavier Palud attisent l’œil des producteurs hollywoodiens. Et, sans faire de mauvaise transition, ils se sont très vite retrouvés à la tête de The Eye, remake d’un film d’horreur éponyme hongkongais qui a fait fureur en 2002 au point d’être nominé à diverses récompenses. Malheureusement, les deux cinéastes ont dû affronter la dure loi des studios, devant faire un film de commande sur lequel ils n’ont eu aucun pouvoir artistique. À tel point que leur savoir-faire remarqué dans Ils s’est évaporé derrière une machinerie commerciale implacable.
N’ayant pas vu le film original, je critiquerai ce film pour ce qu’il est, à savoir un thriller estampillé horreur lambda. Mais même en partant de là, je ne vais pas être tendre avec The Eye, je le dis d’emblée ! Déjà du côté du scénario, ce dernier se révélant être d’une immense bêtise. Non pas que le concept initial soit inintéressant, au contraire ! Dans d’autres occasions, cela aurait pu faire un très bon épisode de The X-Files. Mais ici, on retiendra principalement un très mauvais mix entre Sixième Sens et Destination Finale. Une intrigue fantastico-horrifique des plus rocambolesques et guignolesques qui puissent exister. Dans laquelle les personnages agissent bizarrement face aux événements qui se produisent devant eux. Où les répliques qui fusent sont synonymes de vide intersidéral. Avec des situations bien trop tirées par les cheveux pour captiver l’attention du spectateur. Et surtout proposant quelques rares bonnes idées scénaristiques (comme l’héroïne se sentant perturbés par ses autres sens lorsqu’elle retrouve la vue) survolées un max ! Bref, nous avons-là un script de mauvais film d’horreur, qui se permet même d’avoir un happy end niaiseux cassant littéralement l’ambiance qu’il tente d’instaurer. Du jamais vu dans le cinéma d’horreur ! Du moins, je n’en ai pas le souvenir…
Et comme tout film horrifique de cet acabit, le casting n’est pas fameux non plus. D’autant plus que ce dernier ne repose que sur une seule célébrité en la personne de Jessica Alba, ne laissant aucune chance aux seconds rôles. En même temps, vu leur manque de charisme et surtout de talent (la plupart sont aussi expressif que des huîtres), pas étonnant que la production ait misé sur elle ! Mais cette dernière aurait très bien pu choisir une toute autre comédienne. Il est vrai qu’elle fait rêver bien des hommes (personnellement, ce n’est pas mon cas) et que c’est sans doute pour cela que les producteurs aient user du star system avec sa présence sur ce film. Sinon, la jeune femme n’est pas talentueuse et cela se confirme avec The Eye : pas crédible pour un sou quand il s’agit de sortir des émotions ou bien de jouer les aveugles, elle cabotine bien trop pour que l’on puisse croire à son personnage une seule seconde. À la place, on préférerait lui donner des claques pour qu’elle se ressaisisse et fasse ce qui est juste dans le film, c’est pour dire !
Heureusement que David Moreau et Xavier Palud ne sont pas des réalisateurs choisis au hasard pour diriger une telle entreprise. Le duo ayant fait ses preuves sur Ils, il réaffirme ici son savoir-faire à instiller une ambiance à l’ensemble. Bien entendu, le travail effectuer ici n’est pas à la hauteur de leur première réalisation mais il se montre suffisant pour mettre mal à l’aise, via des plans et jeux de lumières bien pensés. Jusqu’à ce qu’une avalanche de défauts techniques vienne ensevelir tout cela et gâcher le bel ouvrage que nous aurions pu avoir : une musique trop envahissante au point d’aseptiser le suspense, un montage fait au couteau faisant aller l’intrigue dans tous les sens, des jump scares ratés notamment à cause des deux erreurs précédentes, l’utilisation d’effets numériques baveux qui donnent des airs de grand n’importe quoi à certaines scènes (dont un final à la Destination Finale sorti de nulle part)… rien qui puisse mettre en valeur le seul atout du film, à savoir une satisfaisante mise en scène.
Comme bon nombre de ses congénères qui ont tenté d’américaniser des succès horrifiques venant de l’international, The Eye se plante à son tour pour les mêmes raisons (un ensemble de travaux bâclés, faits à la va-vite) tout en empêchant deux cinéastes de se faire connaître alors qu’ils le méritent. Néanmoins, cela m’a donné envie de regarder l’original, pour voir cette intrigue sous une toute autre version qui s’annonce bien plus maîtrisée que celle-ci.