Quoi de plus beau pour terminer l'été cinématographique que de sortir "Piranha 3D" à sa dernière heure? Belle manière de le boucler en tout cas, en passant à la moulinette vivante une bande de jeunes fêtards qui, dans les premières pages du scénario, comptaient profiter du climat de saison. Mais dommage pour eux, un séisme plutôt sournois ouvre une faille au cœur de Lake Victoria, libérant des centaines de vilains piranhas préhistoriques, et affamés, comptant transformer ces charmants jeunes gens faisant tranquillement (et innocemment) la fête au bord du lac en buffet géant et gratuit.
L'affiche ne trompe pas sur la couleur, le film d'Alexandre Aja, enfant terrible du cinéma d'horreur bien de chez nous (du moins à la base), se savoure comme un plaisir coupable. Le scénario a tout du déjà vu, le déroulement de l'histoire est on-ne-peut-plus prévisible et ce jusqu'à la dernière image, les personnages sont au mieux à peine esquissés, au pire complètement dénués d'intérêt. Aucune identification donc, et c'est parfait, car le spectateur se place rapidement du côté de la poiscaille démoniaque. On prend un plaisir sadique à voir des dizaines de jeunes écervelés et superficiels se faire déchiqueter de toute part durant 1h30 purement jouissive. On sent qu'Aja prend son panard lui aussi derrière sa caméra, dressant tous les clichés classiques du film d'horreur et d'ados, puis transformant des bombes sexuelles qui misent d'avantage sur leurs formes imposantes que sur leur talent d'actrice et des kékés bourrins et complètement cons en chair à pâté, dans des scènes généreusement sanglantes que Peter Jackson n'aurait pas reniées à une époque.
C'est sûr, le film n'est pas timide sur les effets gores, en témoignent des scènes de massacre proprement dégueulasses (mais souvent jubilatoires). Il ne l'est pas non plus sur l'érotisme, mais même quand il parle de "sexe", "Piranha 3D" se contente de mensurations plantureuses en mouvement et en gros plan, se montrant donc légèrement plus sage de côté. On sent une certaine ironie dans le fait qu'un frenchie obtienne le pouvoir de démolir à tour de bras toute une jeune génération américaine bien propre sur elle (mais un peu moins à l'intérieur), de la part de l'industrie Hollywoodienne. Alexandre Aja montre avec son œuvre un puissant amour pour le cinéma de genre des années 80. Les caméos et clins d'œil sont légions, mais jamais envahissants, on sent de sa part une certaine envie de faire quelque de classique, décomplexé et référentiel, mais avec l'intention d'imposer son style personnel à l'écran. À ce niveau, la mise en scène est très soignée, le rythme est soutenu, la photographie est alléchante, et la bande son met parfaitement dans le bain.
"Piranha 3D" n'a donc rien d'innovant, se trouve plus comique et répugnant qu'effrayant, et demeure assez fade en dehors de ces points, mais rien de bien méchant vu qu'il s'agit visiblement de ses revendications. Un bon film pop-corn sans compromis, sympathique et jouissif qui, après des dents de la mer traumatisantes en leur temps (mais qui passeraient pour des enfants de cœur à côté des "petits" monstres d'Aja aujourd'hui) poussera les spectateurs les plus réticents à y réfléchir à deux fois avant d'aller se baigner.
PS : Malgré quelques effets plutôt réussis et amusants sur nombre de détails du film, la 3D demeure une fois de plus assez accessoire et dispensable, même si elle trouve d'avantage sa place ici que chez d'autres films qui osent l'arborer fièrement...