Faisons effacer l’idée qui parasite la carrière de ce réalisateur ! Beaucoup pensent que L’Étrange Noël de Monsieur Jack est une réalisation de Tim Burton (comme beaucoup s’imagine qu’Anastasia est un Disney). Bon, il est vrai que le papa de Beetlejuice en est l’auteur, le producteur et le directeur artistique. Et il est donc normal que ce film d’animation porte son nom. Pourtant, la réalisation, nous la devons à Henry Selick, qui enrichira sa filmographie avec James et la Pêche Géante (1996) et Monkeybone (2001) mais sans jamais sortir de l’ombre de ce cher Burton. Avec Coraline, voici l’occasion rêvé pour Selick de réellement voler de ses propres ailes, de se faire connaître et ainsi crier haut fort : « Vous vous rappelez de L’Étrange Noël de Monsieur Jack ? Eh bien, c’est de moi ! » Encore faut-il que ce Coraline soit à la hauteur !
Quand on connait le livre d’origine, on comprend mieux pourquoi l’animation semblait la meilleure façon de mettre en images cette histoire. Celle d’une fille qui, lasse d’une vie où ses parents ne se préoccupent que trop rarement d’elle, découvre un passage secret menant à un monde parallèle où tout semble meilleur (le cadre, la relation avec les parents, le merveilleux…). Avec des personnages aux yeux remplacés par des boutons pour faire la différence entre le réel et ce monde désiré. Mais ce dernier cache bien son jeu, en particulier l’autre Mère » de la fillette Coraline (qui ne supporte pas qu’on écorche son prénom par Caroline). Des boutons ? Sans doute pour signifier le fait d’être aveugle face à ce monde parallèle, de ne voir que ce l’on voit (le merveilleux et tout ça) et non ce qui se cache derrière (ne spolions pas plus !). Bref, une histoire comme celle-ci, avec chat qui parle, décors hauts en couleur, personnages excentriques et autres moments qu’un certain Tim Burton aurait pu sortir de son esprit, l’animation était bien la solution pour adapter le livre. Et pas n’importe quelle animation ! Celle de la stop motion !
Pour rappelle, la stop motion est cette fameuse technique où l’on anime un personnage ou autres éléments d’un film image par image. Une technique que le cinéma use depuis des décennies (le fameux King Kong en 1933 pour vous donner une idée). Et cela, Henry Selick se trouve être l’un des meilleurs pionniers (L’Étrange Noël de Monsieur Jack l’a bien prouvé !). Après deux films où le réalisateur mélangé l’animation et les scènes live, ce dernier revient au film 100% d’animation. Montrant qu’il n’a rien perdu de son talent ! Déjà au niveau de l’histoire : si le film a du mal à démarrer (l’un des rares reproches que l’on peut lui faire), il reprend cependant les grandes lignes du bouquin et nous transporte inlassablement dans ce monde parallèle. Qui sera la cause d’un drame familial mais également d’une quête ludique qui émerveille et divertit. Et pour cela, il faut dire que l’animation y joue beaucoup, tant celle-ci se retrouve d’une beauté renversante ! Comme pour L’Étrange Noël de Monsieur Jack, Coraline pullule de détails inventifs et amusants qui rendent crédibles tout cet univers qui se dévoile sous nos yeux. Mieux, tout le côté stop motion dont certains films n’arrivent pas à se débarrasser (comme Wallace & Gromit et Chicken Run) s’efface, se mélangeant aisément avec des images numériques (la stop motion étant très limitée dans certains cas) et se montrer aussi beau qu’un dessin animé classique. On sent bien que Selick a démarré aux côtés de Tim Burton, et cela se voit (quelques détails, comme le look « réel » de « l’autre Mère »), prouvant que le réalisateur sait manier de lui-même cette animation du mieux possible.
Même, ce qu’a retenu Selick de l’animation façon Burton n’est pas l’animation en elle-même. Ça, tout le monde peut le faire (il n’y a qu’à voir les nombreuses vidéos sur Youtube mettant en scène des Legos). Mais aussi le fait qu’à partir de la stop motion, on peut en tirer une ambiance. Et cela, Coraline est une véritable réussite ! Qui peut malheureusement faire fuir le jeune public (autre défaut). En effet, l’atmosphère du film est tellement travaillée qu’elle peut se montrer effrayante pour les enfants (certains passages peuvent réellement en faire cauchemarder plus d’un !). Une ambiance que l’on doit beaucoup à l’animation mais également à la musique de Bruno Coulais, qui joue ici les Danny Elfman avec beaucoup de talent pour permettre ce constat.
Vous l’aurez compris : Coraline est un film d’animation hautement maîtrisé, qui s’adresse aussi aux enfants (pour les personnages et l’histoire) qu’aux adultes (pour l’ambiance). Sans oublier la qualité du doublage (la VF, en tout cas, tient la route) et de la bande sonore. Un véritable bijou, ni plus, ni moins ! Et grâce à lui, Henry Selick prouve qu’il peut faire un film de lui-même, sans avoir Burton derrière lui. Il n’y a plus qu’à attendre son prochain exploit !