Les films en stop motion sont beaucoup trop rare, et pour cause, ils nécessitent un travail de titan, que seul les plus talentueux et les plus volontaires des animateurs sont à même de mener à bien. Cependant, lorsque une de ces perles jaillit dans les salles obscures, et que c'est réussi, on croirait faire face à un miracle. Coraline est une pièce d'exception à de nombreux égards, cette œuvre est non seulement déjà culte parmi les films animés quelque soit la technique employée, mais elle est également reine au sein du petit monde de l'image par image. Chaque plan resplendit de milles détails croustillants, les textures étant incroyablement palpable, la fluidité gracieuse, les effets combinés avec l'informatique (qui tient une place minime, et c'est pour le mieux) s'insérant sans déranger cette homogénéité, le tout formant une mosaïque de couleurs artistiquement incomparable, ayant un style unique malgré le poids souvent exercées par l'indétrônable Étrange Noël de Mr Jack (qui conduisit même celui lui ayant donné son âme, Burton, vers le quasi auto plagiat dans les Noces funèbres...c'est dire). La galerie des personnages qui s'étale dans un luxe de petits soins (costumes miniatures cousus à la main, animaux et fleurs reconstitués par centaines avec une rigueur ahurissante) est épatante : Coraline, Wybbie, les 2 parents de Coraline, leurs homologues dans le monde parallèle, les deux voisines folles Miss Miriam Forcible et Miss April Spink, l'artiste de cirque M. Bobbo, le chat, la sorcière...une diversité foisonnante qui contribue à l'élaboration d'un univers particulier dans lequel on ressentira des émotions sœurs avec celles provoquées par l'entrée dans un monde burtonien mais qui se distinguent à de multiples niveaux. Tout d'abord l'héroïne, à rebours du héros burtonien classique. Coraline est une jeune fille débordante de d'énergie et de créativité, elle a des amis et a un caractère fort qui s'exprime dès le début, mais qui va d'abord lui causer des ennuis, en premier lieu vis à vis de ses parents trop occupés (certes la vision est caricaturale, mais pas si éloigné que ça de la réalité, en témoigne l'expérience personnelle de pas mal de mes connaissances). La deuxième étape consistera en une sorte d'apaisement de ces pulsions, technique subtilement utilisée par la méchante afin de prendre peu à peu le contrôle de l'enfant. Néanmoins le malaise qui plane et qui nous enserre en créant une atmosphère noire et carrément effrayante pour une œuvre enfantine (mais au moins autant destinée aux adultes qu'à ces derniers). Son instinct d'enfant, à force de l'aiguiller, va finir par l'extraire de son utopie jusqu'alors trop confortable pour qu'elle écoute ses avertissements intérieurs. Peu à peu sa vitalité intérieure va la révéler comme étant pleine de ressources, ce qui lui permettra alors de se tirer des situations difficiles auxquelles elle sera confrontée, jusqu'à la dernière épreuve se présentant sous la forme...d'un jeu. C'est là qu'on commence à visualiser le labyrinthe de psychologie enfantine que le réalisateur a brillamment mis en place avec ce film, de manière novatrice et originale. Les adjuvants lui seront indispensables dans sa quête, notamment le chat, qui lui en revanche s'affirme en pur protagoniste burtonien. Mais l'esthétique se démarque de l'ombre du réalisateur d'Edward aux mains d'argent, tout comme la musique et l'ambiance de la dimension grise et rose de Coraline. C'est tellement spécial que j'avoue avoir eu plus de mal à m'y plonger que je m'y attendais, mais une fois qu'on y est, on vit un étrange rêve délectable qui vire parfois au cauchemar, la transformation de la sorcière terrifiera tout ceux qui étaient réellement absorbés dans le film, quelque soit leur âge. Scénario tortueux d'une cohérence impressionnante, un nombre hallucinant de séquences à couper le souffle (le spectacle à l'opéra, la danse des rats, la lutte finale contre la griffe, et surtout toutes les scènes dans le magnifiques jardins qui constituent à chaque fois des points d'orgues), un chef d’œuvre plastique, bref que demander de plus ? Un joyau inestimable.