Cinquième long-métrage français qui puise son inspiration dans l’univers du cow-boy le plus solitaire du Far West, Tous à l’Ouest est aussi le quatrième film d’animation à adapter ses histoires sur grand écran.
À la suite de l’échec, sur le sol américain, de la première série animée Lucky Luke, en 1983, le studio Hanna-Barbera Productions, qui est aussi derrière le troisième film d’animation intitulé « Les Dalton en cavale », abandonne la licence. Il faut donc attendre 2007 et l’arrivée de la société de production française Xilam (qui produit également Les Nouvelles Aventures de Lucky Luke entre 2001 et 2003, entre autres), pour assister au retour de Lucky Luke dans les salles de cinéma, près de 25 ans après sa dernière apparition.
A la tête de cette nouvelle adaptation cinématographique, on retrouve le cinéaste Olivier Jean-Marie, qui tenait déjà les rênes de la série animée des Nouvelles Aventures de Lucky Luke et de celle d’Oggy et les Cafards. Avec Tous à l’Ouest, l’idée du réalisateur est d’abord de faire voyager le public dans une aventure qui sillonnerait les Etats-Unis et permettrait de faire découvrir un lot varié de paysages. Dans ses recherches, Olivier Jean-Marie a trouvé que l’album qui se rapproche le plus de cette idée de voyage est La Caravane, scénarisée par René Goscinny et publiée en 1964.
Mais plutôt que d’adapter fidèlement l’album, le réalisateur a choisi de n’en garder que les personnages principaux pour se concentrer sur le périple en lui-même. Certaines modifications sont ainsi apportées à l’histoire originale, comme l’apparition des Dalton, pour ajouter un axe narratif en filigrane (la recherche d’un butin volé et caché dans l’une des caravanes du convoi), et celle d’un méchant absent de la bande dessinée. New-York est également beaucoup plus représentée dans le film que dans l’album, avec près d’un quart du long-métrage (20 minutes) qui se déroule dans ses rues. Il s’agit là, de la part du réalisateur, d’une volonté de représenter historiquement la plus grande ville des Etats-Unis dans les années 1880 (quitte à prendre quelques libertés en représentant le tramway électrique encore absent à cette époque) et de sortir ainsi les personnages de leur zone de confort, habitués aux grands territoires désertiques et arides de l’Est. Ici, Lucky Luke et les Dalton découvrent les bienfaits et les travers de la civilisation dans plusieurs scènes divertissantes mais, finalement, trop longues par rapport à la durée totale du film.
Avec le choix des décors nombreux et variés, le réalisateur a également préféré faire le pari de la 3D, à la différence de l’animation en 2D des premiers films de Goscinny et de Morris. Mais s’il a voulu ainsi s’inscrire dans la modernité, Olivier Jean-Marie, par ce choix, dénaturé le cachet de l’œuvre originale. De plus, le rythme de l’animation est trop intense, trop hystérique et déjantée, et se rapproche beaucoup du style d’Oggy et les Cafards ou des Zinzins de l’espace, séries animées également réalisées par ce cinéaste. Là encore, ce choix est loin d’être fidèle au ton de la bande dessinée et des premiers films, nonchalant et tranquille.
Dans le détail, plusieurs éléments peuvent également laisser perplexes. Les caricatures sur les accents provinciaux qui en viennent presque à mettre mal à l’aise tant elles peuvent être à la longue un peu lourdes. A ce sujet, la musique avec des paroles à l’accent marseillais en plein désert de l’Ouest est l’une des preuves du mauvais goût du réalisateur. Mais la meilleure illustration de ce dernier reste quand même le caméo d’Oggy et les Cafards pendant la traversée. Certes, Olivier Jean-Marie est également le père de ces petites bêtes, mais à quel moment on estime ce choix pertinent ? Enfin, un dernier détail est assez agaçant et relève davantage d’une forme de contradiction. En effet, une réplique peut aussi bien dénoncer les maltraitances animales au début du film (Jolly Jumper soulignant au spectateur la pratique ancestrale qui consiste à planter des clous dans les sabots des chevaux), qu’une scène plus tardive peut montrer des alligators transformés en sacs à main. Un manque de cohérence qui fait écho à l’ensemble de l’œuvre, qui se perd dans toutes les directions et à un rythme essoufflant uniquement pour garder l’attention du jeune public.
Car au fond, le principal problème de Tous à l’Ouest, c’est son public cible. Les fans de la première heure peuvent ainsi être facilement déçus en découvrant que ce film d’animation s’adresse en réalité à des enfants de 8-10 ans. Pour eux, la multitude de gags et le rythme très intense de l’animation peut plaire, mais pour les parents, hormis quelques petits clins d’œil, Tous à l’Ouest ne leur fera pas retrouver l’esprit de la bande dessinée.
Côté casting, le réalisateur a souhaité s’éloigner de la distribution française qui donne de sa voix dans la série des Nouvelles Aventures de Lucky Luke pour ne pas donner l’impression d’être dans une continuité. Ainsi, hormis Bernard Alane (Averell Dalton), le casting est entièrement remanié. Antoine de Caunes est remplacé par Lambert Wilson pour interpréter Lucky Luke, et pour les trois autres Dalton, ce sont Clovis Cornillac, Alexis Tomassian et Christophe Lemoine (connu par les fans de South Park) qui prennent le relais.
Malgré son budget de 15 millions d’euros, Tous à l’Ouest est un échec commercial et ne rassemble que près de 450 000 spectateurs dans les salles obscures, causant une perte de plus de trois millions d'euros pour le studio de production Xilam. Mais cet échec est compréhensible tant le film est loin de l’œuvre originale. Même si les graphismes sont très soignés et le casting à la hauteur, les gags sont trop répétitifs, le rythme est trop survolté et le ton beaucoup plus proche d’un dessin animé pour enfants.