En l’espace de quelques métrages ("Stereo", "Crimes of the Future", "Rage", "Frissons" et "Chromosome 3"), David Cronenberg a réussi à se faire un nom dans le domaine du fantastique avec un grand « F » en nous livrant ses obsessions pour l’être humain, sa chair, son esprit et ses travers. "Scanner"s continue sur cette lancée mais, cette fois-ci, lorgnant un peu plus sur la SF : dans un futur proche, une organisation cherche à rassembler les Scanners, des humains mediums aux pouvoirs psychiques assez impressionnants, afin d’éviter qu’ils rejoignent Revok, un scanner qui en a regroupé d’autres pour former un groupe rebelle désireux de changer le système. Pour parvenir à démasquer Revok et le mettre hors d’état de nuire, l’organisation recrute un jeune sans-abri dont les capacités semblent au-delà de la moyenne…Il est évident qu’en choisissant ce scénario, Cronenberg voulu toucher un plus large public qu’il avait l’habitude d’atteindre avec ses précédents films ; cependant, cela ne l’empêche pas de le tenter en y traitant ses sujets favoris : même si ici le thème principal demeure l’esprit par l’intermédiaire des pouvoirs télépathiques et télékinésiques des protagonistes, le rapport avec la chair (le cerveau étant tout simplement le prolongement du corps) n’est pas occulté, bien au contraire ce rapport est très présent surtout lors de certains révélations (les « nouveaux-nés ») ou lors de la conclusion de l’affrontement final. Dans cette enquête teintée de fantastique (il faut avouer qu’il était assez rare à l’époque qu’un film parle de pouvoirs psychiques), Cronenberg n’hésite pas à aller loin dans la démonstration de la force de l’esprit notamment au cours de deux scènes mémorables où il s’en donne à cœur joie avec des effets spéciaux bien trouvés (le budget du film est assez dérisoire : moins de 4 millions de dollars !) et un gore assumé : la scène de l’auditoire et le combat final entre Cameron et Revok. D’ailleurs, ce fameux affrontement résume à lui seul le film et les obsessions de Cronenberg : même si le combat est avant tout psychique, l’intelligence est plus forte que la puissance pure et cela passe par le corps (la chair). La mise en scène de Cronenberg, tout en étant bonne, est assagie par rapport à ses habitudes, mais certains cadrages et son jeu sur la lumière arrivent à confirmer l’ambiance générale du récit qui est assez malsaine. La musique de Howard Shore accentue cette atmosphère oppressante et le son utilisé lorsqu’un scanner utilise son pouvoir, sorte d’onde aigüe désagréable, traduit la puissance par l’agression auditive qu’elle nous inflige. Un très bon travail général sur l’ambiance générale du film qui lui donne une identité propre. Côté acteurs, on pourra apprécier les prestations justes de Patrick McGoohan et Jennifer O’Neill, mais surtout on appréciera grandement Stephen Lack en paumé devenant quelqu’un en apprenant à maîtriser son don et Michael Ironside toujours délicieux dans un rôle de méchant. La confrontation entre les deux est l’une des plus marquante en qualité de jeu d’acteurs qu’il m’a été donné de voir dans un film !
Avec "Scanners", Cronenberg sort un peu des sentiers battus (tout en continuant d’appréhender les sujets qui le passionnent) en ne nous proposant rien de moins que le premier film de super-héros modernes avec des pouvoirs, bien loin de l’iconerie traditionnelle des comics américains. Certainement PAS LE meilleur Cronenberg, mais assurément UN BON Cronenberg !