Chers lecteurs, chères lectrices, chers et chères abonnées, je suis heureux de vous présenter à l’occasion de ma 500ème critique LE film dont l’affiche m’a servi à bâtir mon profil Allociné : "Le discours d’un roi". Un film superbe, que tout le monde salue, y compris la presse. Sans détour ni fioritures, le spectateur est projeté en l’an 1925, sous forme de tableau destiné à implanter le contexte : "Le roi Georges V règne sur un quart du monde. Il demande à son second fils, le Duc d’York, de faire le discours de clôture de l’Empire Exhibition de Wembley, Londres". Alors que ce fameux discours offre le premier moment d’émotion intense pour scotcher définitivement le spectateur sur son fauteuil, il n’est pas sans conséquence puisqu’il constitue, le point de départ d’une anecdote peu commune, aujourd’hui peu connue. Ce discours donne ainsi la matière de l’intrigue, puisque le scénariste a eu le même problème que le Duc d’York. Il en résulte une histoire imprégnée de véritable souffrance, de peur, de colère, mais aussi d’espoir et de courage. Ces sentiments sont magnifiquement exprimés par Colin Firth, lequel va obtenir du même coup en 2011 la récompense suprême, amplement méritée : l’Oscar du meilleur acteur, en plus du Bafta Award et du Golden Globe. Le regard fuyant, parfois hagard, la démarche hésitante, tout va dans le sens de l’immense gêne ressentie, une gêne au bord du gouffre de la honte et à l’opposé des obligations mondaines et politiques. Mais il serait injuste de réduire les récompenses à ce seul comédien. Les nommer toutes serait bien trop long et inutile, bien que la longue liste des nominations et récompenses obtenues aident à mesurer la très grande qualité du long métrage de Tom Hooper, lui aussi récompensé par un Oscar pour avoir signé le meilleur film de l’année. Non, vraiment, tout le monde a contribué à sa manière à la grande réussite qu’est ce chef-d’œuvre : la caméra intimiste de Tom Hooper, qui a su par ailleurs magnifier les décors grandioses d’une abbaye ; un montage superbe, aménageant des moments cruciaux d’abord sans musique avant que celle-ci ne démarre doucement pour monter crescendo, notamment lors de la scène finale ; un éclairage venant souligner le côté dramatique et profondément humain
, lors de la séparation des deux personnages principaux dont les silhouettes deviennent floues à contre-jour dans la lumineuse brume enveloppant le square
; une photographie magnifique ; des dialogues de haut vol ; la musique d’Alexandre Desplat, à la fois douce et intense ; les costumes et décors ; la double performance de Colin Firth et de Geoffrey Rush ; les gros plans venus souligner l’expression scénique des acteurs ; quelques scènes qui prêtent à sourire, tantôt par des révélations cocasses sur la psychologie du Duc
(on notera l’envolée des noms d’oiseaux vers la moitié du film)
, tantôt par de l’humour décalé. Alors comment ne pas parler du face à face qui nous est offert par les deux personnages principaux ? Le Duc d’York face à celui qui doit s’efforcer de résoudre son problème. Un membre de la famille royale face à une personne du peuple.
Un face à face qui débute sur un curieux pari, avec pour seul enjeu un misérable shilling… Oui ils nous offrent un face à face savoureux, poignant, pendant lequel bon nombre de vérités seront dites, y compris les plus graves. Malgré les différences plus que notables en matière de rang social, il va s’installer peu à peu un profond respect et une inébranlable confiance.
Geoffrey Rush interprète un dénommé Lionel Logue, dont le journal intime a été retrouvé juste avant le début du tournage. Ce document providentiel a révélé des données essentielles quant à la psychologie du personnage. Et on ne peut qu’être admiratif devant cette indéfectible abnégation dont il fait preuve
, puisque jamais Logue ne se laisse intimider par le fait que le Duc d’York soit un prince royal, et qu’en plus c’est lui qui fixe les règles du jeu en dépit des caprices de son Altesse Royale, n’hésitant même pas à fustiger les indications de certains conseillers en les traitant de sots, et à bousculer le Prince afin de le faire parler
. Il serait également injuste de ne pas parler d’Helena Bonham Carter, bien qu’elle soit nettement en retrait par rapport aux deux hommes. Mais son rôle est d’une importance capitale. En bonne épouse du prince royal, elle est dans le même registre que Jennifer Connelly dans "Un homme d’exception". Une femme exceptionnelle, tant elle est patiente, compréhensive, attentive et attentionnée, toute dévouée qu’elle est à son époux. Bref, vous l’avez compris, "Le discours d’un roi" n’est pas un film historique comme les autres. Il est historiquement exceptionnel, se terminant par une séquence certes quelque peu tire-larmes, mais dont la magnificence est portée par d’abord le silence, puis la musique qui démarre doucement, ensuite par une succession de portraits de gens au visage grave, avec Lionel Logue en chef d’orchestre. "Le discours d’un roi" vous laissera une empreinte telle le sceau d’un roi.