Ce jeune homme qui part sur les routes, et cherche à survivre “en pleine nature”, ce jeune homme a vraiment existé, et ceci modifie la vision qu’on peut avoir du film. Le personnage est intéressant, car s’il est jeune, beau, intelligent, plein de valeurs morales, ouvert sur les choses, il n’en est pas moins profondément égocentrique et refuse de s’attacher aux humains qu’il rencontre, poliment mais fermement. Couple de hippies qui aimeraient l’aider, jeune amoureuse, agriculteur moderne bouffeur de vie, vieil homme père adoptif potentiel, sans oublier ses propres parents et sa soeur qu’il a abandonnés, tous l’aiment à leur façon, tous sont prêts à tisser des relations fortes, à partager avec lui des morceaux de vie. Mais lui ne s’intéresse qu’à son propre parcours, sa quête personnelle.
Cela ressemble à un récit initiatique raté : on a l’impression qu’il ne retire rien de toutes ces rencontres, qu’il s’enferre dans un repliement sur lui-même, au coeur d’une nature sauvage qui finira par l’emprisonner. Sa révélation ultime et très morale, “le bonheur doit être partagé” arrive comme un jugement divin et ne semble pas véritablement ressentie. Ce qu’il a à dire (comme l’explique sa soeur) n’est jamais clairement énoncé, sans doute parce qu’il est en perpétuelle construction.
Cette fuite en avant, ce refus de civilisation, ce coeur amputé, rendent finalement le personnage très antipathique. Les raisons familiales qui sont données pour expliquer cette opposition à la société semblent bien légères et lorsqu’il écrit que la plus grande tragédie de sa vie, c’est d’avoir tué un élan (grosse bête genre cerf), on est partagé entre consternation et hilarité.
Il reste que les paysages traversés sont magnifiques, les seconds rôles formidables, la photo superbe.