Paul Schrader, cinéaste iconoclaste, a collaboré à quatre reprises avec Martin Scorsese. C'est à lui que l'on doit les scénarios de Taxi Driver, Raging Bull, La Dernière Tentation du Christ et À tombeau ouvert.
Le réalisateur âgé de 75 ans revient cette année avec The Card Counter, thriller porté par Oscar Isaac, en salles le 1er décembre. Présent à la Mostra de Venise pour projeter son film en compétition, Schrader en a profité pour revenir sur les propos de Martin Scorsese concernant Marvel.
Pour rappel, le metteur en scène des Affranchis avait déclaré que les longs-métrages estampillés MCU n'étaient pas du cinéma : "Ces films ne prennent aucun risque. Ils sont faits pour remplir un cahier des charges et traiter un nombre limité de sujets. On parle de suites mais en réalité, ce sont tous des remakes. C'est la nature même des franchises modernes : testées auprès du public, soumises à des études de marché, contrôlées et modifiées jusqu'à ce qu'elles soient consommées", avait-il asséné.
Ces déclarations avaient enflammé la planète cinéma et continuent encore de susciter controverses, polémiques et débats. Interrogé par GQ, le cinéaste a exprimé son désaccord avec le légendaire metteur en scène, tout en dressant un constat plutôt pessimiste sur le sujet.
Je pense que les films de super-héros sont du cinéma.
"Je pense que les films de super-héros sont du cinéma. Tout comme une vidéo de chat sur YouTube peut être du cinéma. ll est assez surprenant de constater que ce que nous considérions comme du divertissement pour adolescents, des bandes dessinées pour adolescents, soit devenu le genre dominant sur le plan économique", explique Paul Schrader.
"Chaque génération est informée, par la littérature, par le théâtre, par la télévision ou par les écoles de cinéma. Maintenant, nous avons une génération qui a été informée par les jeux vidéo et les mangas. Ce ne sont pas les réalisateurs qui ont changé, c'est le public qui a changé. Et quand le public ne veut pas de films sérieux, il est très, très difficile d'en faire", poursuit-il.
Maintenant, nous avons une génération qui a été informée par les jeux vidéo et les mangas. Ce ne sont pas les réalisateurs qui ont changé, c'est le public qui a changé.
"Et quand le public veut des oeuvres sérieuses, il nous demande : "Que dois-je penser de la libération des femmes, des droits des homosexuels, des situations raciales, des inégalités économiques ?" Ça montre que le public est intéressé par ces questions, alors vous pouvez faire ces films-là. Et nous l'avons fait. En particulier dans les années 50, 60 et 70, nous en avons fait un ou deux par semaine sur des questions sociales. Et ils ont été des succès commerciaux car le public les voulait", analyse le réalisateur.
Martin Scorsese contre Marvel : le réalisateur de The Suicide Squad donne son avis"Puis quelque chose a changé dans la culture. Ces films sont toujours réalisés, mais ils ne sont plus au centre de la conversation. Ça arrive dans tous les domaines d'ailleurs. Il n'y a plus de Walter Cronkite [journaliste mort en 2009], il n'y a plus de Johnny Carson [animateur TV décédé en 2005], et il n'y a plus de films de studio à Hollywood. Tout cela a disparu. Vous avez donc le monde du Comic-Con, et vous avez le monde X ou Y, Z, et il est très difficile de rassembler ces gens à nouveau. Cela a été perdu culturellement et plus rien ne pourra changer ça", conclut-il avec amertume.
THE CARD COUNTER DE PAUL SCHRADER, EN SALLES LE 1ER DÉCEMBRE