Nona, ex soixante-huitarde, est une femme indépendante qui a toujours milité pour les droits des femmes. Après avoir élevé seules ses filles, des triplées conçues suite à une histoire sans lendemain, elle a travaillé toute sa vie dans un planning familial au coeur du quartier de la Goutte d'or à Paris. A soixante-dix ans, ses trois filles désormais adultes, elle peut enfin profiter de la vie avec son amant, André. Mais lorsqu'elle se découvre enceinte de cinq mois et demi, tout s'écroule...
La réalisatrice Valérie Donzelli, dont le style émouvant et poétique a éclos tout au long de sa filmographie (La Reine des pommes, La Guerre est déclarée, Notre dame), a une place à part dans le cinéma d'auteur français. Avec Nona et ses filles, elle se tourne pour la première fois vers la télévision, et compose pour la chaîne Arte un portrait de famille étonnant : celui d'une mère qui a élevé ses filles de façon libre, et se retrouve désormais confrontée à une grossesse aussi inexplicable que dévastatrice à un âge où elle pouvait enfin se recentrer sur ses propres désirs.
Le format de 9 x 30 minutes de la série permet à sa réalisatrice - qui a travaillé à l'écriture avec la scénariste Clémence Madeleine-Perdrillat (Mixte) - d'exploiter avec un plaisir non dissimulé des aspects récurrents de son cinéma, comme la comédie musicale à travers des séquences chantées, ou des décors chaleureux dans de petits intérieurs faits de bric et de broc et truffés de détails.
Face à Nona, jouée par une Miou-Miou suprenante dans le rôle de cette femme libre et insaisissable qui n'en fait qu'à sa tête et dont la fierté se heurte à ses sentiments, il y a Manu (Virginie Ledoyen), mère au foyer dont le mariage bat de l'aile, Gaby (Clotilde Hesme) sexologue sans attaches, et enfin George (jouée par Valérie Donzelli), qui n'a jamais réussi à quitter le cocon familial ni à finir sa thèse.
A travers cette histoire rocambolesque et presque surnaturelle (on ignore qui est le père de l'enfant de Nona), la série se révèle très émouvante dans ce qu'elle dit de la maternité et du droit des femmes à disposer de leur corps, et où les hommes, secondaires, sont réduits à d'amusantes figures archétypales : l'amant (Michel Vuillermoz), l'aide-soignant sexy (Barnaby Metschurat) ou le médecin de famille truculent (Rüdiger Volger).
Les actrices, au diapason, livrent une partition chorale réjouissante dans le rôle des triplées, chacune ayant hérité d'un sobriquet masculin et choisi la famille, le travail ou les études comme refuge. L'épreuve traversée par leur mère va leur donner l'occasion de resserrer les liens familiaux, mais aussi de se confronter à elles-mêmes et à leurs propres frustrations. Fable sur la sororité aussi singulière que réussie, Nona et ses filles sera diffusée début décembre sur Arte.