DE QUOI ÇA PARLE ?
Les survivants et ex-leaders de la soi-disant "thérapie de conversion" dénoncent les dommages durables que ce mouvement a causés à la communauté LGBTQ+.
Pray Away : Désirs martyrisés, réalisé par Kristine Stolakis.
Disponible sur Netflix
CES VICTIMES DEVENUES BOURREAUX
Le 24 juin 2021, la sénatrice Marie-Pierre de La Gontrie proposait un texte de loi visant à interdire les thérapies de conversion en France. Dans l’Hexagone, ces pratiques sont encore légales, même si elles restent cachées, pratiquées dans le plus grand secret et donc difficilement identifiables. De l’autre côté de l’Atlantique, aux États-Unis, elles sont autorisées dans 22 États. Au total, près de 700 000 citoyens américains auraient été envoyés dans ces sessions pour “guérir” l’homosexualité et la transidentité. Ceux qui en ont été victimes ont deux fois plus de chance de mourir d’une tentative de suicide.
Élevés dans la honte et le jugement de soi, de nombreux homosexuels s’en sont remis à la religion pour aller à l’encontre de leur propre nature. Certains, comme Michael Bussee, sont même allés jusqu’à créer un programme international pour revenir “dans le droit chemin”. Celui qui se considérait autrefois comme “ex-gay” cofonde, en 1976, Exodus, une organisation qui comptera des milliers de membres à travers le monde. Le documentaire Pray Away : Désirs martyrisés, premier film de Kristine Stolakis, s’intéresse à ces visages complexes, à la fois victimes et bourreaux.
Produit par Ryan Murphy et Blumhouse, société habituellement spécialisée dans les films d’horreur à succès, le long métrage propose un regard sans jugement sur ce sujet encore tabou. Le documentaire mélange des images d’archives - souvent déroutantes - et des témoignages de ceux qui, aujourd’hui, ont fait marche arrière. D’utilité publique, Pray Away raconte comment ces thérapies de conversion se nourrissent de la peur pour mieux manipuler et abîmer en s’entourant de psychologues et de thérapeutes non qualifiés.
L’objectif de ces sessions ne s'arrête pas seulement à la “guérison” d’une orientation sexuelle, mais se poursuit également dans leur désir de cloisonner les hommes et les femmes dans des rôles préétablis. Ainsi, le spectateur apprend au cours du film que des conférences annuelles sont organisées avec, entre autres, des ateliers maquillage pour les unes et des cours de football américain pour les autres.
Un cycle sans fin
Le film met en lumière des parcours édifiants, comme celui de John Paulk. Ce dernier était devenu, à la fin des années quatre-vingt-dix, une figure médiatique importante se présentant comme un “ancien homosexuel”. Marié avec une dénommée Anne Edward - elle-même “ancienne lesbienne” -, il multipliait les couvertures de magazine et les apparitions sur les plateaux de télévision pour promouvoir sa “guérison”. Parmi les histoires marquantes, il y a aussi celle de Jeffrey, ancienne femme transgenre. Il explique avoir mis un terme à sa transition pour se tourner vers la religion.
Pray Away insiste sur le sentiment de remords de la part de ceux qui ont autrefois participé à ces mouvements et qui, aujourd’hui, acceptent leur homosexualité. Le documentaire démontre néanmoins que le mécanisme des thérapies de conversion est une spirale infernale. Quand des organisations ferment leurs portes - Exodus a cessé ses activités en 2013 -, d’autres reprennent le flambeau, comme Jeffrey. Dans son carton final, la réalisatrice dédie le film à ceux qui ont survécu à ces pratiques, mais aussi à ceux qui n’ont pas eu cette chance.
Découvrez la bande-annonce de "Pray Away : Désirs martyrisés" :