Décédé ce 25 mars à l'âge de 79 ans, Bertrand Tavernier, immense cinéaste multi césarisé, amoureux viscéral du cinéma et de son Histoire, militant infatiguable pour l’exception culturelle française ou la lutte pour le respect du droit des auteurs, laisse un grand vide dans le cinéma français. Un totem s'en est allé...
Si l'annonce de son décès a été faite par le journal La Croix, saluant un "cinéaste passionné et lyrique", l'Institut Lumière à Lyon, dont Tavernier était le président, a très promptement réagi, confirmant l'annonce de son décès :
Gilles Jacob, l'ancien président du festival de Cannes, évoque "un auteur si précieux" et "un ogre de cinéma"...
Même émotion à La Cinémathèque Française, qui salue un cinéaste "qui avait le cinéma dans le sang", et déplore la disparition du réalisateur alors même qu'il devait être le parrain d'un festival du film restauré qui devait se tenir au mois de mars, annulé pour raisons sanitaires :
Invité hier dans l'émission C à vous sur France 5, Philippe Torreton, qui doit son César du Meilleur acteur au cinéaste en 1996 pour son extraordinaire composition dans Capitaine Conan, lui a rendu un vibrant hommage :
"C'était quelqu'un de toujours à l'écoute, c'était l'anti dictateur des plateaux !. Heureusement qu'il reste ses films. Mais sa langue, sa langue, son envie de raconter le cinéma vont me manquer (...). Son regard [aussi], qu'il a eu constamment sur tous les cinémas, sans barrière, sans œillères. Il aimait bien même les nanars, il arrivait toujours à puiser une petite scène, une réplique, qui faisait son bonheur et sa joie."
L'actrice Laura Smet a publié sur Instagram l'affiche du long-métrage L'Appât, accompagnée du message : "Ce film entre autre m’a donné envie de faire ce métier/ Au revoir Maestro"...
Régulièrement sollicité par les éditeurs de DVD et Blu-ray, Bertrand Tavernier, cinéphile encyclopédique, se prêtait de bonne grâce pour remettre en perspective les oeuvres. L'éditeur Sidonis, spécialisé dans l'édition de westerns, rend hommage au cinéaste :
Le Syndicat des Catalogues de Films de Patrimoine (SCFP) a quant à lui publié un communiqué : "Sa gourmandise pour le cinéma était contagieuse, et sa vie fut une invitation permanente à voyager à travers le cinéma. Réalisateur, producteur, scénariste, écrivain d’une érudition inouïe, il était avant tout un guide et une boussole, ayant à cœur de partager ses innombrables « cinéastes de chevet » dont de nombreux oubliés et méconnus qu’il aura contribué à faire découvrir.
Bertrand Tavernier, qui aimait à se définir comme un passeur, avait accepté la présidence d’honneur de notre Syndicat dès sa création en nous encourageant à défendre avec passion la mémoire du cinéma. Son inlassable enthousiasme continuera à guider nos pas".
Carlotta Films, éditeur et distributeur, "ne peut pas / on ne veut pas croire qu’on ne va plus croiser, voir, écouter, entendre et discuter avec Bertrand chez lui à Paris, à Lyon, au Palais Royal, à l’Institut Lumière, dans les festivals du monde entier ... Un grand vide, on se sent d’un seul coup très très seul ...", retweetant le compte de l'Institut Lumière :
Christian Clavier rend aussi hommage au cinéaste, qui l'avait engagé aux côtés de Thierry Lhermitte et Gérard Jugnot pour jouer de petits rôles dans Que la fête commence...
Isabelle Huppert, qui a tourné dans Le Juge et l'assassin et Coup de torchon, a évoqué le cinéaste au micro de France Inter : "Bertrand Tavernier était soucieux du monde qui l'entourait, mais c'était un engagement politique qui ne l'empêchait pas d'être cinéaste avant tout. Il ne faisait pas un cinéma militant".
Facétieux et toujours plein d'humour, le cinéaste n'avait pas hésité à se prêter à une vraie-fausse interview avec l'équipe de Groland, en bon cinéphile grolandais qu'il était. "Signalons qu’il a écrit tous les textes qu’il interprète dans cette histoire improbable du cinéma des sœurs Torche... Zapoï Bertrand, et salue bien notre Président !"
Parmi les réactions politiques, évidemment très nombreuses, notamment du côté de Lyon, terre natale du cinéaste, on citera volontiers celle du Ministère des Affaires étrangères, qui salue le réalisateur de Quai d'Orsay :