Dans l'histoire des tragédies maritimes, le Titanic n'est évidemment pas, loin s'en faut, le seul navire à avoir sombré. D'autres exemples existent, avec des bilans humains parfois supérieurs. Pourtant, il reste dans l'esprit des gens comme l'une des plus grandes catastrophes. Pourquoi cet intérêt alors ? Parce que dans la conscience des individus, ce paquebot de très grand luxe était un authentique microcosme de la société d'alors ; celle de la Belle Epoque. Avec sa classe ouvrière, sa bourgeoisie et ses classes dirigeantes, dont les richissimes familles d'industriels, qui occupaient les cabines de première, d'un luxe inouï. Une croisière à l'issue fatale qui fut largement assimilée à un funeste présage du devenir de l'Europe et du monde, deux ans avant d'être ravagés par la Première Guerre mondiale et ses millions de morts.
Quarante ans avant le chef-d'oeuvre de James Cameron, le célébrissime naufrage faisait déjà l'objet d'un tour de force cinématographique : Atlantique, latitude 41°. Un défi relevé avec brio par un solide artisan britannique tout juste revenu de son expérience américaine, Roy Ward Baker, qui signe ici un impressionnant film choral.
Ci-dessous, la bande-annonce du film...
Le film est en fait une adaptation d'un livre de l'auteur et historien américain Walter Lord, spécialisé dans l'Histoire navale et plus particulièrement celle du Titanic. Son plus grand succès est d'ailleurs La Nuit du Titanic (titre VO : A Night to Remember) publié en 1955. Ce récit documentaire se fonde sur les témoignages d'une soixantaine de rescapés avec lesquels Lord était entré en contact. Sa passion pour le Titanic et son naufrage remontait à son enfance, durant laquelle il avait pu voyager à bord du sister-ship du malheureux paquebot. Chose tout à fait étonnante par ailleurs, Walter Lord fut le premier à écrire un livre aussi rigoureux et documenté sur le sujet ; le naufrage de 1912 n'ayant jusque-là jamais fait l'objet de livre, mis à part bien entendu tous les articles de presse relatant la tragédie et les rapports d'enquêtes qui suivirent.
Soucieux d'authenticité, se fondant sur un script écrit par Eric Ambler, Atlantique, latitude 41° fut longtemps considéré comme l'un des films les plus rigoureux sur le plan historique concernant le naufrage, avant que les thèses développées ne soient scientifiquement battues en brèche des décennies plus tard. Le film aura d'ailleurs une profonde influence sur James Cameron lui-même, grand admirateur de l'oeuvre de Roy Ward Baker, au point que certains plans de son Titanic de 1997 sont absolument identiques.
Aucune malice évidemment dans cette démarche; c'est avant tout un hommage à une oeuvre qui fut l'une des productions britanniques les plus importantes de l'époque, dotée d'un budget colossal de 600.000 £ environ, soit, après ajustement à l'inflation actuelle et conversion, près de 16 millions €. Impressionnant. Très beau succès critique, loué par les survivants de la tragédie maritime qui trouvèrent dans le film de Baker matière à une forme de catharsis et de deuil, Atlantique, latitude 41° ne fut malheureusement qu'un succès commercial modeste au box office. Ce qui ne l'a pas empêché de largement passer à la postérité. A découvrir absolument !
"Atlantique, latitude 41°" diffusé sur Arte ce lundi 25 janvier.