L'Aventure, c'est L'Aventure, film culte mis en scène par Claude Lelouch en 1971, connaît un tournage où la spontanéité est reine et où chacun peut laisser libre cours à ses improvisations les plus folles. Se comportant comme de grands enfants, Lino Ventura, Aldo Maccione, Jacques Brel, Charles Gérard et Charles Denner ne cessent de "s'amuser" et "de se raconter des conneries", pour reprendre les propres termes du réalisateur dans son autobiographie Itinéraire d’un enfant très gâté, publié chez Robert Laffont en 2000.
C'est au cours de ce tournage que naît une amitié très forte entre Ventura et Brel, qui ne se connaissaient pas auparavant. Tous deux auront l'occasion de se donner une nouvelle fois la réplique l'année suivante dans L'Emmerdeur d'Edouard Molinaro. En attendant, les voici en passe de s'illustrer dans une séquence devenue mythique, celle de la plage, lorsqu'Aldo Maccione enseigne à ses quatre complices sa fameuse démarche très "claaaasse".
Cette scène est mise en boîte aux Antilles, à Antigua plus exactement. "J’étais dans mon bungalow un dimanche", se rappelle Claude Lelouch. "On ne tournait pas. J’ai aperçu les quatre filles de dos, de loin, qui regardaient la mer." Aldo Maccione apparaît à ce moment-là, se donne en spectacle, passe et repasse devant les demoiselles en accentuant sa marche au fur et à mesure. "Il voulait qu’on le remarque. Je suis parti dans un fou rire ! Et puis je suis allé le voir : "Alors, ça marche ?" "Non, pas terrible !" lui répond-il. Très vite, le réalisateur réunit toute l’équipe pour intégrer ce petit numéro dans son film.
LINO NE TOURNAIT PAS CE QU'IL NE COMPRENAIT PAS
Mais Lino Ventura ne suit pas. "Tu me fais chier. C’est dimanche. Je me repose !", lance-t-il à Lelouch. Et ce dernier de lui rétorquer : "Tu ne marches pas avec le groupe, mais tu peux te mettre au bout de la plage, pour les observer. Tu te marres de les voir faire les cons." L'acteur peu convaincu par les explications du metteur en scène finit par accepter, et voyant ses compères imiter Aldo Maccione, éclate de rire.
"Aldo savait ce que je voulais puisqu’il m’en avait donné l’idée. Charles Gérard faisait n’importe quoi. Charles Denner avait l’air d’un échassier et Jacques Brel déconnait. Quand Lino a vu ça, il est parti au quart de tour." "C’est quelqu’un qui ne pouvait pas tourner ce qu’il ne comprenait pas…", témoigne le réalisateur qui en fera également l'expérience sur le plateau de La Bonne année.
Parallèlement à ces relations d'amitié, une histoire d'amour se noue en coulisses entre Jacques Brel et la danseuse Maddly Bamy qui a fait partie des célèbres Claudettes. Elle sera sa dernière compagne jusqu'à la mort du chanteur survenue le 9 octobre 1978. Sur le tournage, "c'est le coup de foudre au premier regard", se souvient Lelouch. "Ils ne se quittent plus. Naturellement, tout le monde croit à une histoire passagère. (...) À la façon qu'a Jacques, dans les jours suivants, de me parler d'elle, avec la retenue et la pudeur qui le caractérisent, je comprends cependant très vite que cette histoire est une grande histoire".
LA MÉTHODE LELOUCH PAR LE CINÉASTE ET SES ACTEURS