Mommy de Xavier Dolan (2014)
À seulement vingt-cinq ans, le Québécois Xavier Dolan remporte, lors de la 67e édition du Festival de Cannes, le Prix du jury, ex æquo avec, pour son cinquième film, Mommy. L'histoire suit le combat de Diane Després, une mère veuve et sans emploi, pour sauver son fils, Steve, atteint d'un trouble de déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Très vite, le duo va croiser la route de Kyla, une voisine bègue et discrète qui va changer leur vie. Drame social fort, déchirant et esthétiquement renversant, le long métrage s'intéresse à trois héros au ban de la société et en quête de liberté - une quête symbolisée par le format de l'image en 1:1. À l'écran, Xavier Dolan sublime ses trois acteurs - Anne Dorval, Suzanne Clément et Antoine-Olivier Pilon -, qui livrent une performance magistrale et pleine de sensibilité. Avec plus d'un million d'entrées en salles lors de sa sortie, Mommy s'est imposé avec les années comme une œuvre culte et générationnelle, brisant toutes les barrières, notamment celles du cinéma d'auteur et du langage.
8 Femmes de François Ozon (2002)
Une victime. Huit suspectes. Et au moins autant de possibilités pour que François Ozon nous mène en bateau et se livre à un véritable jeu de massacre, auquel ses actrices participent avec un plaisir évident. Des icônes du cinéma français (Catherine Deneuve, Danielle Darrieux, Fanny Ardant, Isabelle Huppert, Emmanuelle Béart et Firmine Richard) aux jeunes pousses (Virginie Ledoyen et Ludivine Sagnier), personne n'est épargné dans cette comédie policière façon Agatha Christie, qui se révèle aussi glamour qu'acide, dans sa manière de jouer avec les images : celles des comédiennes et de leurs personnages respectifs, qui dévoilent leurs états d'âme à travers des reprises de chansons françaises. Porté par l'un des plus beaux castings du XXIè siècle, le long métrage est une franche réussite qui a enchanté 3 711 394 spectateurs dans les salles obscures en 2002… avant de repartir bredouille des César l'année suivante, malgré ses douze nominations et son statut de favori. Ce qui est peut-être le plus grand de ses mystères.
A bout de souffle de Jean-Luc Godard (1960)
Ecrit à partir d'une idée de François Truffaut, A bout de souffle propose l’itinéraire d'un jeune délinquant qui, après avoir volé une voiture et tué un policier, est traqué par la police. Ce que fait Godard avec son premier long métrage, c'est montrer qu'on peut partir d'un genre surexploité au cinéma (ici, le film policier) et proposer des formes nouvelles pour le raconter. C'est ce qu'il fait en filmant avec une caméra mouvante, en multipliant les regards-caméra, en ajoutant à la narration l'improvisation du réel. Pour le dire autrement, il s'agit de laisser la vie réelle qui se déroule autour du film (dans l'arrière-plan, à côté des acteurs), insuffler de la vie au long métrage. Ce faisant, Jean-Luc Godard contribue à construire le mouvement cinématographique de la Nouvelle Vague. Et si A bout de souffle est resté dans les mémoires cinéphiles, c’est parce qu’il porte les germes d’un cinéaste accompli, qui frappe fort dès son coup d’essai.
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Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy (1967)
Si Catherine Deneuve incarne la fille de Danielle Darrieux dans 8 Femmes, c'est moins un hasard qu'un clin-d'œil de François Ozon aux Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy, l'une de ses sources d'inspiration manifestes pour son jeu de massacre comico-policier. Plus solaire que Les Parapluies de Cherbourg, qui pourra quelque peu déstabiliser les novices avec ses dialogues intégralement chantés, ce long métrage constitue une porte d'entrée idéale sur l'univers de son auteur, avec sa structure de comédie musicale plus classique. On y croise d'ailleurs l'une des stars hollywoodiennes du genre, l'immense Gene Kelly, qui tombe instantanément amoureux de la regrettée Françoise Dorléac (sœur de Catherine Deneuve à la ville et à l'écran) dans une séquence en forme d'hommage à Un Américain à Paris et Un jour à New York. Drôle, légère et enjouée, l'histoire de ces jumelles qui rêvent du grand amour nous émerveille de la première à la dernière scène. Et ses chansons risquent de vous rester en tête pendant longtemps.
Lost Highway de David Lynch (1997)
Est-il vraiment nécessaire de tout comprendre d'un film pour l'apprécier ? Non, et David Lynch l'a plus d'une fois prouvé, avec Blue Velvet, Twin Peaks, Mulholland Drive et ce Lost Highway qui reste, aujourd'hui encore, l'un de ses sommets. Sur le papier, tout paraît relativement simple si l'on se fie au synopsis officiel : "Fred Madison, saxophoniste, soupçonne sa femme, Renee, de le tromper. Il la tue et est condamné à la peine capitale. Le film raconte l'histoire de cet assassinat du point de vue des différentes personnalités de l'assassin lui-même." Dans les faits, le parcours est plus sinueux et il faut parfois accepter de lâcher prise et de se laisser porter, plutôt que d'essayer de chercher des explications à tout prix. Car le metteur en scène ne les donnera pas dans cette expérience sensorielle qui nous promène entre rêve et réalité et fait figure de crash-test pour le spectateur qui commencera par cet opus : s'il vous laisse de marbre, le cinéma lynchien n'est peut-être pas fait pour vous. S'il vous fascine, une belle filmographie vous attend.
La Peau douce de François Truffaut (1964)
Au cours d'un voyage à Lisbonne où il doit donner une conférence sur Balzac, Pierre Lachenay s'éprend de Nicole, une hôtesse de l'air. Lorsque son épouse Franca apprend cette liaison, Pierre décide de divorcer. Contrairement à ce qu’on pourrait supposer à la lecture de ce synopsis, La Peau douce n’est pas un triangle amoureux qui ferait écho à Jules et Jim, du même réalisateur. Au contraire, François Truffaut choisit de ne pas traiter son sujet de façon romanesque mais plutôt comme un thriller, et en donnant à ses personnages une vérité et une humanité désarmante. Les héroïnes, l'épouse et l’amante sont bien loin des clichés et finalement, le film montre surtout que l’homme adultère se retrouve dépassé par la situation dramatique dans laquelle il s’est lui-même plongé. Ereinté au Festival de Cannes lors de sa présentation, le temps a donné l'occasion à un nouveau public de voir La Peau douce, et de le réhabiliter comme l'un des meilleurs films de son réalisateur.
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Les Temps modernes de Charles Chaplin (1936)
Charlot est ouvrier dans une immense usine. Il resserre quotidiennement des boulons. Mais les machines, le travail à la chaîne le rendent malade, il abandonne son poste et recueille une orpheline… Le génie du film est de faire passer une virulente critique de l'automatisation des usines (nous sommes à l’époque du taylorisme et du fordisme) à travers le rire, parfois jaune, et des chorégraphies millimétrées opposant Charlot aux machines. Le tout agrémenté d’une formidable histoire d’amour. A noter que Les Temps modernes était d’abord écrit pour être parlant et contenir des dialogues, mais Chaplin y renoncera finalement pour pouvoir y reprendre son personnage de Charlot, qui a toujours été muet. Le film possède cependant des passages vocaux, surtout venant des machines, accentuant ainsi leur toute puissance. Un classique du cinéma et un bijou intemporel de plus dans la filmographie de son réalisateur.
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The Beguiled - Les Proies de Sofia Coppola (2017)
Avec The Beguiled, Sofia Coppola réalise son sixième long métrage et réinvente le film de Don Siegel, qui mettait en vedette Clint Eastwood. Comme dans l'œuvre originale, l'histoire s'intéresse à une institution de jeunes filles qui ouvre ses portes à un soldat blessé pendant la guerre de Sécession. Mené par un casting aussi glamour que talentueux - Nicole Kidman, Kirsten Dunst, Elle Fanning, ou encore Colin Farrell -, le film surprend par son atmosphère sulfureuse et contemplative, avec, en prime, une superbe photographie signée Philippe Le Sourd. Le projet prend une autre dimension grâce au choix de la réalisatrice d'offrir un regard féminin - aussi appelé le female gaze - qui renverse, pour une fois, la tendance et objectifie l'homme - le seul du film. Auréolé du Prix de la mise en scène à Cannes, en 2017, The Beguiled est un thriller brûlant, féministe et d'une grande beauté.
La trilogie Bleu-Blanc-Rouge de Krysztof Kieslowski (1993-1994)
En 1993-1994, le cinéaste Krysztof Kieslowski dévoilait coup sur coup trois longs métrages formant une trilogie dont le liant était la couleur, précisément les Trois couleurs, Bleu, Blanc, Rouge. Trois films à la fois très différents et complémentaires, connectés de façon discrète (en faisant par exemple intervenir une même actrice, même furtivement, dans le film suivant). De cette trilogie, on retiendra surtout Bleu, porté par une magistrale Juliette Binoche. Après la mort de son mari, un grand compositeur, et de leur fille, dans un accident de voiture, le personnage de Juliette Binoche commence une nouvelle vie, anonyme et indépendante... Un film qui captive par son interprétation, sa mise en scène et son scénario. Rouge donne aussi à voir l'un des plus beaux rôles de Jean-Louis Trintignant.