Le soleil ardent, les champs à perte de vue, les baignades dans la rivière... Jamais une œuvre n'aura mieux capturé l'essence même de l'été. Ce n'est donc pas un hasard si Les Roseaux sauvages, douzième film d'André Téchiné, est diffusé ce 24 juin, à 20h55, sur Arte. D'abord pensé comme un téléfilm de moins d'une heure, commandé par la chaîne franco-allemande dans le cadre de la collection Tous les garçons et les filles de leur âge, le projet mute dans la tête du réalisateur et des scénaristes durant sa conception pour devenir un long métrage.
Après sa grande première au Festival de Cannes en 1994, le film révèle au grand jour trois comédiens - Gaël Morel, Stéphane Rideau, Frédéric Gorny -, et confirme le talent de la jeune Élodie Bouchez. Cette dernière reçoit même le César du meilleur espoir féminin l'année suivante. Ce prix est accompagné de trois autres récompenses prestigieuses, dont celle du meilleur film. La version téléfilm, intitulée Le Chêne et le roseau sera, quant à elle, diffusée en octobre 1994 sur Arte. Malgré un succès timide dans les salles, Les Roseaux sauvages gagne, au fil des années, un statut d'œuvre culte et intemporelle qu'il doit, en partie, à sa sensibilité et son authenticité.
L'adolescence en été
1962, dans le sud-ouest de la France. François est un garçon brillant, promis à un bel avenir. Il se découvre de jour en jour et commence à questionner sa sexualité. Il peut néanmoins compter sur le soutien et l'oreille attentive de sa meilleure amie, Maïté, fille d'une professeur communiste. Pour le duo inséparable, c'est une année importante, celle du baccalauréat, mais leur vie va être bouleversée lorsque leur chemin croisera celui de deux jeunes hommes : Serge, frère d'un militaire reparti en Algérie, et Henri, un pied-noir hanté par la mort de son père.
Avec talent, André Téchiné renferme les spectateurs dans une bulle, à l'image de ce village qui semble coupé du reste du monde, et s'immisce, le temps d'un été seulement, dans le quotidien de quatre adolescents qui s'apprêtent à vivre le moment pivot de leurs jeunes années. Le film trouve sa singularité dans sa finesse et son atmosphère estivale, semblable à celle que l'on retrouvera, des années plus tard, dans un film comme Call Me by Your Name de Luca Guadagnino.
La puissance des Roseaux sauvages réside principalement dans le traitement de ses héros, tous admirablement construits, à l'instar de François, joué par Gaël Morel. Jeune homosexuel de province, il peine à trouver ses repères pour s'affirmer, avant de faire la rencontre d'un vieux marchand de chaussures dans une scène très émouvante. Déterminé à accepter sa propre identité, il n'hésite pas à faire face à son reflet dans le miroir en prononçant ces mots en boucle : "Je suis un pédé." Cette sincérité et cette force d'écriture, le cinéaste les insuffle dans son récit en puisant dans sa propre adolescence, passée dans un établissement religieux, comme son protagoniste principal.
La fin de l'innocence
Si le film dégage une véritable douceur, il n'en demeure pas moins sombre lorsqu'il aborde les conséquences de la guerre d'Algérie sur le destin de ces adolescents, questionnant leur rapport à la mort, au deuil et au désir de vengeance, comme Henri, interprété par Frédéric Gorny. L'acteur et ses partenaires de jeu brillent dans chacune de leur scène grâce des performances et des dialogues réalistes, qui tendent à nous faire oublier que les héros qu'ils incarnent sont seulement fictifs.
Plus de vingt-cinq ans après sa sortie, Les Roseaux sauvages demeure l'une des œuvres majeures dans la carrière d'André Téchiné. Le film n'a rien perdu de son charme, ni de sa pertinence dans sa manière de dépeindre la complexité de l'adolescence. Nul doute qu'il saura trouver un écho particulier dans le cœur d'une nouvelle génération, comme d'une plus ancienne. C'est peut-être à cela que l'on reconnaît les grands films.
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