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    Harley Quinn : comment Birds of Prey corrige les erreurs de Suicide Squad
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Quatre ans après ses débuts dans "Suicide Squad", Margot Robbie revient en Harley Quinn dans "Birds of Prey", histoire d'émancipation qui cherche également à rectifier le tir et les erreurs du film précédent sur son personnage.

    Warner Bros. Pictures

    Le 2 décembre 2014, la rumeur devient officielle : un an seulement après sa révélation fracassante dans Le Loup de Wall StreetMargot Robbie décroche le rôle d'Harley Quinn, dont elle devient la première incarnation en chair et en os sur grand écran. Aux côtés de Will Smith et du Joker joué par Jared Leto, l'actrice australienne est l'une des têtes d'affiche de Suicide Squad, projet qui compte se focaliser sur le côté obscur de l'univers DC Comics en suivant un groupe de super-vilains mandatés par le gouvernement pour des missions secrètes à hauts risques, dont les survivants obtiendront des remises de peine.

    Mis en scène par David Ayer, qui n'en est pas à son coup d'essai en matière de groupe badass (Sabotage, Fury), le film génère une jolie hype et Viola Davis, interprète d'Amanda Waller, nous affirme en interview que "ça va être le pied !" Et si la bande-annonce dévoilée au Comic-Con de San Diego 2015 est sombre et prometteuse, quelques inquiétudes naissent au fil des mois. À cause des tatouages peu subtils de Jared Leto, ou de la tenue d'Harley Quinn qui raccourcit à l'approche de la sortie, tandis que l'une des vestes portées par Margot Robbie indique "Property of the Joker" ("Propriété du Joker") et laisse craindre que sa relation avec le prince clown du crime, toxique dans les comic books, ne soit mal transposée sur grand écran.

    Warner Bros. Pictures

    Précédé d'échos de moins en moins engageants, Suicide Squad sort sur nos écrans le 3 août 2016, et les craintes se révèlent fondées. Le long métrage plus brut et terre-à-terre s'est mué en un blockbuster au climax apocalyptique à grands renforts de reshoots qui avaient aussi pour but d'ajouter de l'humour et se rapprocher des Gardiens de la Galaxie de Marvel, que le montage confié aux monteurs de la bande-annonce tente de singer en vain. Sans oublier ces nombreux soucis d'écriture qui annihilent les rares moments réussis (comme la scène touchante et mélancolique dans le bar à l'aune du final) où transparaissent ce que le film aurait dû être. Mais ce dernier a fonctionné, rapportant 747 millions de dollars de recettes dans le monde, pour un budget de 175. Et il ne faut pas longtemps pour que l'idée d'une suite soit évoquée.

    Alors qu'il peine à se dessiner clairement, le projet offre à Margot Robbie l'opportunité de prendre les choses en main, elle qui apparaît comme l'une des rares satisfactions du premier opus tout autant que la victime de quelques-uns de ses plus gros défauts. À commencer par son objectification, symbolisée par la petite tenue d'Harley Quinn et les très nombreux plans sur son postérieur (une bonne trentaine en un peu moins de cent-vingt minutes) qui en font une bonne illustration du "male gaze", ou point de vue d'homme hétérosexuel sur la culture visuelle ; ou la psychologie du personnage : non content de ne pas parvenir à lui donner une vraie personnalité claire à force d'accumuler les sources d'inspiration, le scénario et le montage font d'elle une victime hypnotisée par un Joker devenu romantique et tenter de légitimer ses abus au sein d'une relation censée être toxique.

    Suicide Squad
    Suicide Squad
    Sortie : 3 août 2016 | 2h 03min
    De David Ayer
    Avec Margot Robbie, Will Smith, Jared Leto
    Presse
    2,1
    Spectateurs
    2,5
    Streaming

    Et c'est ce de choix, dont Harley a été privée en 2016, que Margot Robbie tente ensuite de s'emparer en devenant productrice de la suite de Suicide Squad… qui se mue en spin-off intitulé Gotham City Sirens, et dans lequel elle devait côtoyer Catwoman, Poison Iyy et Batgirl devant la caméra de David Ayer. Mais le projet n'avance pas et le réalisateur se voit même contraint de démentir les rumeurs de son annulation en juillet 2017, alors que le DC Extended Universe s'apprête à vaciller pour de bon avec l'échec de Justice League. C'est alors que la comédienne prend les choses en main : "Pendant mes recherches sur le personnage, j'ai commencé à lire [les comic books] 'Birds of Prey' et je suis tombée amoureuse d'Huntress, donc je me suis plongée dans tout cela", a-t-elle récemment expliqué au site Nerdist.

    "Je me disais 'Wow, il y a tellement de personnages féminins cool chez DC et personne ne sait quoi que ce soit sur elles. Et si nous avions un programme pour que les fans apprennent à connaître ces femmes incroyables et en tombent amoureux ? En nous focalisant sur les Gotham City Sirens, il n'y en avait que trois et elles étaient déjà très connues là où, avec Birds of Prey, vous pouvez choisir le groupe que vous voulez. Ça me paraissait donc être le meilleur moyen de présenter quelques personnages féminins qui pourraient vraiment avoir un pied dans l'univers DC." Et c'est ainsi que le retour d'Harley Quinn sur grand écran a commencé à se concrétiser, avec un scénario signé Christina Hodson mis en scène par Cathy Yan. Soient deux femmes pour raconter l'émancipation de l'anti-héroïne, mot clé du titre américain avant qu'il ne soit simplifié pendant son exploitation outre-Atlantique.

    "C'est moi qui fais peur. Pas toi. Pas Monsieur J." - Harley Quinn

    Car l'idée n'est pas de renier Suicide Squad, dont on retrouve quelques images au détour d'un flashback, mais bien de rectifier le tir. De s'en émanciper pour permettre à Margot Robbie de se réapproprier le personnage d'Harley Quinn, quitte à ce que les symboles s'accumulent dans le premier acte, entre l'explosion de l'usine Ace Chemicals où elle s'est "transformée" comme le Joker, sa rupture avec le prince clown du crime qui entraîne une retouche de certains de ses tatouages et un changement de look qui passe par une coupe de cheveux et un choix de tenues moins légères mais plus pratiques. Un renouvellement de garde-robe que l'on imagine impulsé par l'actrice, qui avait déclaré être peu à l'aise sur le tournage du film de David Ayer, au même titre que le choix d'une réalisatrice pour introduire un peu de "female gaze" dans un genre beaucoup trop masculin, malgré les succès de Wonder Woman ou Captain Marvel.

    À notre micro, Cathy Yan l'affirme : "Les femmes veulent diriger des films d'action et en sont capables." Et c'est avec un opus féminin et féministe qu'elle cherche à le prouver. Une histoire dans laquelle des femmes tentent de trouver leur place dans ce monde d'hommes que Black Canary (Jurnee Smollett-Bell) chante dans sa reprise de "It's A Man's Man's Man's World" de James Brown. Devant comme derrière la caméra, et quitte à employer la force à grands renforts de genoux brisés et de coups dans les attributs masculins assénés par les héroïnes. L'image n'est peut-être pas très fine, mais elle s'accorde avec la personnalité exubérante d'Harley Quinn dont le film, coloré et barré, épouse régulièrement le point de vue.

    Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn
    Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn
    Sortie : 5 février 2020 | 1h 49min
    De Cathy Yan
    Avec Margot Robbie, Mary Elizabeth Winstead, Jurnee Smollett
    Presse
    2,5
    Spectateurs
    2,7
    Streaming

    Classé R aux États-Unis (interdit aux moins de 17 ans non accompagnés) à la demande de Margot Robbie, pour s'éloigner du tout-venant des blockbusters, et majoritairement inspiré des comic books signés Amanda Conner et Jimmy Palmiotti publiés à partir de 2013, jusque dans son côté cartoonesque et la manière de briser le quatrième mur pour s'adresser au spectateur, Birds of Prey nous montre comment l'ex-acolyte et compagne du Joker tente de se faire un nom sans être automatiquement associée au prince clown du crime, dont l'aura lui garantissait une protection dans les rues de Gotham City.

    Impliquée dans une histoire de vol de diamant commis par sa protégée Cassandra Cain (Ella Jay Basco), elle se retrouve à faire équipe avec une justicière en quête de vengeance contre les meurtriers de sa famille (Huntress, jouée par Mary Elizabeth Winstead), une policière habituée à voir ses partenaires masculins retirer tout le crédit de ses propres réussites et l'acolyte du grand méchant Roman Sionis, alias Black Mask, gangster misogyne et gentiment caricatural incarné par un Ewan McGregor en roue libre et qui personnifie à lui seul la masculinité toxique. Plus que les collègues machistes de Renée Montoya (Rosie Perez), les truands qui veulent la peau d'Harley Quinn ou le propriétaire du restaurant asiatique où cette dernière a ses habitudes, et qui n'hésite finalement pas à la trahir contre une belle somme d'argent. Là encore, le trait est un peu grossi, mais l'idée est de montrer que le quintette féminin ne pourra compter que sur lui-même. Ou en tout cas pas sur les hommes qui les entourent.

    Et c'est ce que traduit la réplique "On ne sortira pas d'ici. Sauf si on coopère", ou ce combat au cours duquel une combattante évite à sa partenaire de s'emmêler les cheveux en lui prêtant un élastique, illustration gentiment anecdotique mais néanmoins rigolote de la notion de sororité imaginée par la scénariste Christina Hodson : "Ma soeur et moi plaisantions toujours sur le fait que les femmes des films de super-héros partent toujours au combat ou font des trucs complètement dingues et épiques avec des cheveux magnifiquement fluides et bien coiffés, alors qu'aucune de nous deux ne songerait à manger un sandwich avec les cheveux défaits. Donc il me fallait y faire allusion ici", a-t-elle expliqué au Hollywood Reporter.

    Warner Bros. Pictures

    Si le renfort de Chad Stahelski (John Wick) pour les scènes d'action lors des reshoots vient quelque peu ternir le propos, et que l'ensemble n'est pas sans défauts, le long métrage sonne comme une victoire pour Margot Robbie, qui est parvenue à se réapproprier un personnage objectifié dans Suicide Squad avec un projet piloté par ses soins, sur lequel elle pu avoir un vrai contrôle créatif qui se traduit par les engagements d'une scénariste et d'une réalisatrice, et le fait d'avoir convaincu la Warner de lui adjoindre des complices moins connues que ce qui était initialement prévu avec Catwoman ou Poison Ivy. L'émancipation du (premier) titre original, c'est aussi la sienne, en tant qu'actrice et productrice de blockbuster. Et même si la comédienne avait avoué craindre ce type de revirement, voir le film renommé Harley Quinn : Birds of Prey aux États-Unis traduit bien ce changement de statut.

    Avec 33 millions de dollars de recettes pour son démarrage outre-Atlantique, et 412 178 spectateurs en France lors de sa première semaine, l'essai n'est pas vraiment transformé au box-office, même si les 85 millions de billets verts du budget seront plus facilement rentabilisés. Côté coulisses, au même titre que Gal Gadot a su faire pression pour que Brett Ratner, accusé de harcèlement sexuel, ne soit plus producteur de Wonder Woman 1984, la comédienne australienne s'est imposée dans un univers très masculin, et le film restera comme celui grâce auquel elle a réussi à changer l'image d'Harley Quinn sur grand écran... avant de revenir vers Suicide Squad. Devant la caméra, cette fois-ci, de James Gunn et avec un autre look, qui comporte davantage de teintes de rouge et de noir, rappelant évidemment son costume original dans la série animée de 1992, où elle a fait ses premiers pas.

    Il faudra bien sûr attendre le 4 août 2021 (ou une première bande-annonce) pour voir quelle sera l'approche du personnage dans cette suite qui fera également office de semi-reboot. Mais nul doute que nous serons plus proches de Birds of Prey que du premier Suicide Squad. Et pas seulement à cause de l'absence du Joker Jared Leto dans le récit. Preuve que la tentative d'émancipation de Margot Robbie et de son personnage aura bien porté ses fruits.

    Quand Margot Robbie et les Birds of Prey s'invitent dans FanZone :

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