Comment avez-vous rejoint l'aventure Un Si Grand Soleil ?
Maëlle Mietton : L'une des directrices de casting, que je connaissais grâce à ma formation en théâtre, m'a recontactée afin de me faire auditionner pour le rôle de Claire. Je me doutais qu'ils n'allaient pas choisir un comédien inconnu du grand public pour le rôle principal, mais elle m'a dit que c'était un bon moyen de se faire repérer par la production. Et elle a eu tout à fait raison puisqu'on m'a ensuite proposé un deuxième essai, pour le rôle de Sofia et d'Alice - qui s'appelait Murielle à l'époque ! Enfin, j'ai fait un troisième essai sur Paris, avec Jérémy Banster et les jumeaux, Mélanie Robert et Auguste Yvon, qui avaient été choisis. On a passé une après-midi d'essais hyper chouette parce que c'était très familier entre nous dès le début.
Qu'est-ce qui vous a plu dans le personnage d'Alice Bastide ?
Au début, Alice était écrite comme plus possessive et jalouse envers Claire, ils l'avaient un peu axée comme ça, et ce n'était pas forcément quelque chose que j'avais envie de défendre... (rires) Y compris Mélanie Maudran en face, elle ne ressentait pas ça non plus. On a plus travaillé sur une forme d'ouverture, d'écoute...
L'évolution du couple Julien/Alice a permi d'aborder le sujet de la charge mentale à une heure de grande écoute. Comment l'avez-vous perçu ?
Sans vouloir jeter la pierre à qui que ce soit, le format de production ne permet malheureusement pas vraiment d'approfondir le sujet correctement. Ça reste un peu en surface, quand bien même ils aimeraient en faire plus. C'est un sujet important, je me demande même s'il y a vraiment eu du progrès ou de véritables évolutions depuis des années. En tout cas il a toute sa place, et il faut continuer de travailler dessus. Je suis très impliquée sur l'égalité hommes-femmes; je ne dis pas qu'on doit prendre le dessus mais on doit chercher l'équilibre, et pour le moment on y est pas, et ça fait des siècles qu'on y est pas. Il y a des traumatismes forts qui restent de tous ces siècles de génocide, on peut employer ce mot, des traumatismes culturels et même physiques. Et on pourrait en vouloir à ceux qui sont éveillés et conscients du problème de rester dans l'immobilisme.
Alice a eu jusqu'à présent beaucoup d'intrigues dramatiques, comme son divorce avec Julien et sa relation chaotique avec Maxime, voir tragiques avec la mort récente de la femme qu'elle pensait être sa mère biologique.
Oui, cette histoire se finit très mal, et Alice va morfler. Je suis très heureuse de ce qui commence à être mis en place en matière d'écriture, ils commencent vraiment creuser le sujet des origines d'Alice. C'est un grand laboratoire au départ, ils avaient besoin de voir venir, de voir ce que les comédiens allaient jouer, et là pour Alice, je trouve qu'il y a une vraie harmonie. Ils suivent le personnage, déroulent le fil de son histoire petit à petit, en partant du principe qu'elle a été abandonnée à la naissance et a grandi de foyer en foyer sans être adoptée. En partant de cette intrigue-là, et en la mêlant à du soap avec une intrigue policière qui est extrêmement tragique et dramatique, ils ont vraiment poussé le curseur. Alice a un vrai parcours de reconstruction suite à ça, mais avant elle descend aux enfers, elle s'effondre sur elle-même. Mais elle va remonter à la surface ! Des milliers de personnes vivent ça, chacune à leur façon, et on a besoin d'extérioriser à travers la fiction, on a besoin de catharsis. Pour moi ce n'est pas juste du divertissement, c'est un besoin, au même titre que manger et boire. Ça aide les gens à vivre, en permettant aux émotions de se libérer.
On vous a découvert un petit talent de chanteuse aussi, lors de l'épisode du mariage d'Alice et Julien...
C'était une première à l'écran en effet ! J'ai travaillé avec le directeur musical de la série, Joseph Guigui, et elle a été écrite et composée par un ami, Jérôme Suzat, qui était le bassiste et fondateur du groupe No One Is Innocent.
Quels rôles et personnages vous ont marqués dans votre carrière jusqu'à présent ?
J'ai une formation théâtrale à l'origine; j'ai été marquée par le rôle de la femme dans Orgie de Pasolini, pour ce qui est du théâtre contemporain. J'avais aussi fait une formation avec un comédien de la Shakespeare Company, dans laquelle j'avais travaillé le rôle Liliane dans une scène tirée de Richard III. Je rêverais de jouer Richard III sur scène !
Quel regard portez-vous sur le métier d'acteur ?
C'est drôle, je viens justement de lire une interview de Joaquin Phoenix pour le film Joker, et je me retrouve beaucoup dans ce qu'il dit, c'est exactement la façon dont j'aime travailler.
C'est une personnalité plutôt torturée...
Tu sais quand tu visites les caves de l'humanité tout le temps... Déjà pour arriver à livrer ce genre de prestation il faut avoir les épaules, donc tu as forcément derrière un parcours comme ça. Et si tu n'avais pas trop ce parcours à la base, ça t'y amène. Parce que tu ne peux pas en remonter indemne. Tu visites les traumatismes, ça laisse un peu une trace.