Mon compte
    Sharp Objects : de la performance d'Amy Adams à la révélation finale, quel bilan pour la série de l'été de HBO ?
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    Alors que la minisérie "Sharp Objects" se termine ce soir sur OCS, que penser de cette nouvelle collaboration entre le réalisateur Jean-Marc Vallée et la chaîne HBO ?

    HBO

    Tout ce que vous lirez ci-dessous est SPOILER, il convient donc d'arrêter ici votre lecture si vous n'avez pas vu la série et souhaitez garder intactes toutes ses surprises :

    DE QUOI ÇA PARLE ?

    Journaliste au St Louis Chronicles, Camille Preaker (Amy Adams) a quitté Wind Gap depuis des années, tentant désespérément de fuir ses démons. Cette petite ville du Missouri a été le lieu de tous ses traumatismes. C’est là que sa petite sœur Marian est morte dans des circonstances étranges, des années auparavant. Là que sa mère est devenue possessive, agressive, perturbée. C’est là que Camille a commencé à se détruire. Après le meurtre d'une pré-adolescente et la disparition d'une autre, le rédacteur en chef de Camille la pousse à retourner à Wind Gap pour faire un reportage sur le sujet...

    APERÇU :

    QUI ÉTAIT AUX COMMANDES ?

    La nouvelle création de Marti Noxon (Buffy) est adaptée d'un roman éponyme écrit par Gillian Flynn, l'auteur derrière des succès de librairie comme Gone Girl (porté au cinéma par David Fincher) et Dark Places (mis en images par Gilles Paquet-Brenner). Ces histoires ont pour point commun d'avoir des protagonistes féminins tourmentés placés au premier plan de l'action. Les huit épisodes de Sharp Objects sont mis en scène par Jean-Marc Vallée, qui avait déjà travaillé sur un format similaire  l'an dernier pour Big Little Lies.

    UNE AMBIANCE DE FILM NOIR

    Dès le pilote, le téléspectateur prend ses marques et devient familier de la bourgade de Wind Gap, que l'on parcourt en passant des endroits importants que sont le bar, la maison des Preaker, le salon du barbier et les réceptions cossues où s'échangent les rumeurs et s'épanouissent les mauvaises langues. Le nombre de bâtiments que l'on visite étant limité et les soirées peu animées, on en déduit rapidement que Wind Gap est une ville de solitude, et qu'à cela s'ajoute le climat de suspicion ambiant depuis le meurtre des deux adolescentes. L'endroit a l'air hostile pour Camille qui revient après une longue absence, mais rapidement aussi pour le téléspectateur, qui sent que tout peut y déraper très vite.

    La mise en scène de Jean-Marc Vallée embrasse parfaitement cette ambiance en s'attardant sur les visages des personnages en réaction à cet environnement empli de secrets et de mystères. Ce choix stylistique renforce le sentiment d'oppression que l'on a à parcourir les rues de Wind Gap, où tout le monde semble cacher des choses et accuse sur de simples suppositions. La tendance de Vallée à exprimer les émotions de ses protagonistes via ces gros plans et ces silences lui a valu d'être en conflit avec Marti Noxon; La showrunner souhaitait que les scénarios et leurs dialogues soient respectés. Le résultat est un entre deux permettant au show de gagner en finesse et de mettre en lumière le jeu des comédiens, Amy Adams en tête.

    AMY ADAMS IMPÉRIALE

    Hormis l'agent du FBI joué par Chris Messina, et quelques personnages secondaires (le shérif, le frère d'une victime, le père de Camille), l'intrigue est surtout centrée sur des personnages féminins. Outre Camille, on trouve sa sœur Amma (Eliza Scanlen) et ses amies, sa mère Adora (Patricia Clarkson) et une amie de sa mère (Elizabeth Perkins). La série tient évidemment sur le suspense quant à savoir qui a commis les deux meurtres, mais aussi sur les discussions entre Camille et sa mère, notamment sur leur passé commun et la mort de la petite sœur de Camille alors qu'elle n'était qu'une adolescente.

    Amy Adams livre une performance incroyablement juste en se glissant dans les névroses et le traumatisme de son personnage, en lui donnant une humanité à laquelle le téléspectateur adhérera tout au long des huit épisodes. Son personnage fut si complexe que l'actrice a d'ores et déjà refusé de jouer dans une saison 2, afin de ne pas avoir à se replonger dans les émotions fortes vécues par Camille. La série ne perd d'ailleurs jamais le point de vue de Camille, grâce notamment à la réalisation, qui suit les réactions de ses acteurs à la caméra à l'épaule, afin de toujours rester réactif à leur jeu, celui d'Amy Adams en particulier.

    HBO

    CE QUI NE PLAIRA PAS À TOUT LE MONDE

    Deux éléments pourront rebuter une partie du public. Il y a d'abord les parti-pris de montage, puisque des images arrivent régulièrement en flashs à Camille, réveillant au compte-goutte les fantômes du passé. Le fait que ces flashs interviennent de façon impromptue selon son état d'esprit et les endroits visités par Camille rendent compliquées les tentatives de reconstituer clairement sa vie adolescente à Wind Gap. Cette narration éclatée pourra faire décrocher certain téléspectateurs.

    En second lieu, on pourra reprocher la lenteur avec laquelle ce passé de Camille est dévoilé ainsi que par moment, la non-progression de l'enquête, ce qui influe négativement sur le suspense du show. L'épisode 5 par exemple, centré sur le Calhoun Day, son organisation et sa pièce de théâtre ne comporte qu'une scène déterminante à propos de Camille (lors des essayages de costumes) et l'enquête en semble complètement absente. Camille est à Wind Gap pour suivre l'avancée d'un sordide fait divers mais parfois, l'épisode se résume à suivre sa quête personnelle tandis que la suite de l'affaire des deux adolescentes se poursuit en arrière-plan via le personnage de Richard, l'agent du FBI.

    LE BILAN

    Malgré cette narration lente et éclatée, la série opte pour un twist final digne des meilleurs thrillers :

    ATTENTION SPOILERS

    Alors que tous les regards étaient tournés vers Adora, la meurtrière des deux adolescentes était en fait Amma, qui cherchait à garder toute l'attention affective de sa mère.

    Le choc est tel que la série se termine sur cette révélation, laissant le téléspectateur pantois face aux conséquences possibles de cet élément supplémentaire, et ce qu'il implique pour le personnage de Camille. Le show se termine par une claque scénaristique et un choix formel audacieux, qui ne plaira pas à tout le monde, mais qui a le mérite d'être radical. Deux scènes post-génériques complètent ce choc, mais sont dispensables.

    Si la série commençait lentement, les trois derniers épisodes s'orientent vraiment vers une conclusion épique et horrifique, accompagnée de musique rock.

    Pour HBO, la série a été un succès d'audience, avec plus d'un million de téléspectateurs chaque soir devant leur poste pendant huit semaines (exception faite de l'épisode 4, avec 900 000 téléspectateurs). Ce qui, avec les visionnages sur les applications et les replays fait de la série une réussite en termes d'audience. C'est aussi la réussite à la télévision de la firme Blumhouse, habituellement spécialisée dans le cinéma d'horreur à petit budget, et qui gagne en crédibilité en ayant mené à bien ce projet.

    Malgré sa fin ouverte et ses bonnes audiences, une seconde saison ne verra pas le jour, comme l'a déjà précisé récemment le directeur des programmes d'HBO. Peut-être est-ce pour le mieux. Cet objet télévisuel non identifié gardera sa fin audacieuse, divisera, alimentera les discussions de sériephiles. N'est-ce pas déjà là le signe d'une bonne série ?

     

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Commentaires
    Back to Top