Aux Etats-Unis, The Handmaid's Tale dépasse le simple phénomène culturel. Dans l'Amérique de Donald Trump, la série adaptée du roman dystopique de Margaret Atwood publié en 1985 trouve une résonance toute particulière. La série créée par Bruce Miller, comme le best seller, s'intéressent au destin d'une jeune femme qui tente de survivre dans une société totalitaire où les femmes sont divisées en trois catégories : les Epouses, qui dominent la maison, les Marthas, qui l'entretiennent, et les Servantes, dont le rôle est la reproduction.
Margaret Atwood elle-même rechigne à qualifier son roman de féministe, tout comme les actrices de la série, d'ailleurs ; pourtant c'est bien de cela qu'il s'agit, de féminisme. On rappelle que le féminisme désigne un ensemble de mouvements et d'idées dont l'objectif commun est d'abolir les inégalités homme-femme dont les femmes sont les principales victimes, et de promouvoir les droits des femmes dans la société civile et dans la vie privée ; ce n'est donc pas un gros mot.
The Handmaid's Tale est un roman politique, et le roman comme la série portent un propos éminemment féministe. Ce n'est pas pour rien que la figure de la servante écarlate a été récupérée par les mouvements de lutte pour les droits des femmes aux Etats-Unis, qui combattent le projet d'abrogation de l'Obamacare – le Health Care bill – porté par Trump. Un projet de loi qui menace de priver de couverture maladie des millions d'Américains précaires, notamment les femmes et qui prévoit notamment de réduire les financements du planning familial, qui distribue des moyens de contraception et pratique des IVG.
Ce n'était pas la première fois que le costume de la servante écarlate était brandi pour manifester dans un cadre de lutte féministe, mais ces dernières semaines, il est presque devenu le porte étendard de la défense des droits des femmes menacés par le Health Care bill. Plusieurs dizaines de femmes, revêtues, comme dans The Handmaid's Tale, de capes rouges et de coiffes blanches, se sont rendues devant le Capitole à Washington pour protester. Le mouvement, amorcé en début d'année, peu avant le lancement de la série sur Hulu, s'est amplifié ces dernières semaines et le Sénat américain a repoussé le vote de la réforme du système de santé, qui devrait intervenir dans les jours qui viennent, après la fête nationale du 4 juillet qui commémore l'Indépendance des Etats-Unis.
Le hashtag #NTBC, qui renvoie à la formule « Nolite te bastardes carborundorum », a également été lancé sur Twitter. Cette phrase en latin, qui signifie littéralement « ne laisse pas ces bâtards te broyer », correspond à l'inscription que découvre Offred dans le placard de sa chambre, gravée par la Servante qui l'a précédée et s'est vraisemblablement suicidée.
Margaret Atwood s'est imposé la règle suivante au moment où elle écrivait sa dystopie : ne rien y inclure qui n'ait pas déjà été pratiqué par une société quelle qu'elle soit quelque part dans le monde. Penser que tout ce qui est raconté dans The Handmaid's Tale est, dans une certaine mesure, vrai, fait déjà froid dans le dos. Et puis l'on se rend compte que The Handmaid's Tale est plus que jamais d'actualité et que d'ici au régime totalitaire de Gilead, il n'y a qu'un pas. Cela, les femmes américaines l'ont bien compris et elles n'ont pas l'intention de se laisser broyer.
On parle de The Handmaid's Tale avec Charlotte Blum dans Tueurs en séries à partir de -19:07 :