Synopsis de la série : Une nuit d'hiver, alors que la fête bat son plein sur le campus de la prestigieuse université de Philadelphie, à quelques kilomètres de là, dans les bois, quatre brillants étudiants en droit terrorisés s'apprêtent à brûler un cadavre. Leur vie en sera à jamais bouleversée... Quatre mois plus tôt, Michaela, Wes, Connor, Laurel et une soixantaine de leurs camarades font la rencontre de leur charismatique et intransigeante professeure spécialisée en criminologie : Annalise Keating. Une poignée d'entre eux seulement aura la chance d'intégrer sa firme d'avocats. Mais pour travailler à ses côtés, il faut être prêt à tout. Absolument tout...
Plus de 21 millions d'américains (14 millions en live, 7 millions en rattrapage) ont dégusté l'épisode pilote de How To Get Away With Murder sur ABC en septembre dernier, faisant de la nouvelle production de Shonda Rhimes (après Grey's Anatomy, Private Practice et Scandal) la nouveauté de la rentrée 2014 la plus suivie sur les networks, en particulier sur la cible privilégiée des annonceurs : les 18/49 ans. Et si les audiences ont légèrement baissé depuis, elle n'en reste pas moins LA série dont tout le monde parle, celle qu'il FAUT avoir testé, celle qui pourrait potentiellement avoir une belle et longue vie devant elle, celle que l'on ne saurait que trop vous recommander semaine après semaine ou en binge-watching, selon votre goût. Aucune chaîne française n'en a pour le moment revendiqué l'acquisition, mais la logique voudrait qu'elle débarque sur M6 dans les mois (les années ?) à venir...
Leçon N°1 : Moderniser une recette éprouvée
Contrairement à ce qu'on peut lire çà et là, Shonda Rhimes n'est PAS la créatrice de How To Get Away With Murder. Elle en est la très impliquée productrice exécutive. Celui qui a imaginé avec malice ce drama addictif, c'est Pete Nowalk, un disciple de la showrunner star, qui a scénarisé une quinzaine d'épisodes de Grey's Anatomy et qui en a produit autant de Scandal. Ce n'est donc pas un hasard s'il emprunte beaucoup à ces deux programmes à succès. Il en reprend la recette imparable, en y ajoutant une narration plus complexe et indéniablement dans l'air du temps.
A la fois judiciaire, policière, dramédique et soapesque à souhait, How To Get Away est une série hybride qui parvient à mélanger les genres avec brio en fonctionnant en plus sur deux timelines différentes : celle de son flash forward -et ses récurrences visuelles épileptiques qui peuvent agacer- et celle du "3 mois plus tôt", un présent qui avance à mesure que l'étau se resserre autour des héros jusqu'à rejoindre le futur devenu... le nouveau présent ! Un dispositif qui n'est pas inédit, utilisé par exemple par Damages tout au long de son existence.
Ainsi, les neuf premiers épisodes fonctionnent sur trois principaux axes : présenter de la manière la plus efficace possible les nombreux personnages qui peuplent l'univers du show, les vivants comme les morts, et tenter de créer une dynamique de groupe malgré la forte concurrence qui les oppose (comme aux débuts de Grey's Anatomy); assurer les "enquêtes du jour" traitées en vitesse accélérée car les scénaristes savent aussi bien que les téléspectateurs que l'important n'est pas là (comme dans Scandal); et faire avancer indice par indice, cliffhanger par cliffhanger, d'une rélévation choquante à une autre, le double fil rouge sur la mort de Lyla et l'identité de l'assassin de spoiler: Sam (entre le slasher movie et les mystères saisonniers à la Desperate Housewives).
Les épisodes sont donc survitaminés, riches jusqu'à déborder, ne nous laissant jamais très loin de l'overdose. How To Get Away est un "hyperdrama" qui n'a pas vocation à être réaliste ou à dénoncer le système judiciaire et ses failles. Comme toute série estampillée "Shondaland", du nom de la société de production de la Reine Rhimes au logo représentant un coeur traversé de montagnes russes, elle cherche simplement à divertir et émouvoir.
Leçon N°2 : Faire appel à une star...
En réussissant à convaincre Viola Davis d'incarner l'héroïne trouble de How To Get Away With Murder, Shonda Rhimes et ABC n'ont pas seulement mis la main sur une actrice populaire, ils ont aussi misé sur une actrice aimée et respectée par la profession, nommée à plusieurs reprises aux Oscars (pour La Couleur des Sentiments et Doute), qui assure ainsi à la série une visibilité lors des prochaines grandes cérémonies de récompenses pour la télévision (Emmy Awards et Golden Globes). Il parait impensable que Davis ne soit pas nommée dans la catégorie "Meilleure Actrice". Si le programme n'est peut-être pas à la hauteur de son talent immense et de ses précédentes prestations les plus marquantes, donnant parfois l’impression qu’elle surjoue ses scènes, elle la tire indéniablement vers le haut.
La contrepartie désagréable, c'est qu'avec une carrière cinématographique bien remplie à laquelle elle tient, Viola Davis ne souhaite pas tourner plus de 15 épisodes par saison, là où ABC préférerait forcément en avoir 22. Bonne nouvelle toutefois pour les scénaristes et par conséquent les téléspectateurs : les intrigues sont ainsi resserrées, sans temps morts, les redites nous sont épargnées, sur le mode des séries du câble. Un format adopté par d’autres comme les sanglantes The Following ou Hannibal.
Leçon N°3 : ... issue de la diversité !
Depuis Grey’s Anatomy, Shonda Rhimes propose dans ses productions des castings diversifiés, représentatifs du melting-pot de la population américaine d’aujourd’hui. En confiant le rôle d'Olivia Pope à Kerry Washington, elle a ainsi fait de Scandal lors de son lancement la première série de network depuis trois décennies à avoir une femme afro-américaine pour héroïne. Chose peu courante, elle met également en avant une relation interraciale, celle d’Olivia avec le très blanc Président Fitz. Une audace récompensée par les audiences –la communauté afro-américaine féminine est un des publics forts de la série- qui a aussi permis d’ouvrir la voix aux autres. Jamais autant de séries avec des castings diversifiés n’avaient été lancées que lors de la saison 2014/2015 (Blackish, Empire, Fresh Off The Boat, Cristela…). How To Get Away s’inscrit dans cette suite logique, ce cercle vertueux, initiés par sa grande soeur.
Il a fait ce je ne sais quoi à mon cul qui m’a mis les larmes aux yeux
Leçon N°4 : Jouer sur la et les sexualités
Déjà lors du lancement de Grey’s Anatomy, les observateurs de la télévision américaine ne manquaient pas de noter que la représentation très décomplexée de la sexualité des médecins du Seattle Grace n’était pas banale. Dans un pays aussi conservateur que les Etats-Unis, où le sexe est tabou tandis que la violence est montrée sans compter, il fallait oser. Dix ans plus tard, Scandal a poussé le curseur encore plus loin, au même titre que sa contemporaine The Good Wife, avec des corps vraiment dénudés dans des situations de plus en plus suggestives et à travers des sexualités diverses : Kalinda et ses conquêtes féminines, Cyrus et son mari, le couple lesbien Callie et Arizona… Tous ces personnages homosexuels, bisexuels et surtout sexualisés à l’écran comme n’importe quel hétérosexuel, ont contribué à faire avancer la cause LGBT, l'égalité des sexes et indéniablement faire évoluer les mentalités à leur petit niveau, la télévision restant toujours l’un des vecteurs idéologiques les plus forts.
How To Get Away finit d’achever les associations conservatrices en dépassant les limites auto-imposées jusqu'alors par les networks. Au-delà des coucheries habituelles, les scénaristes attaquent fort, en premier lieu via les dialogues. Un "Il a fait ce je ne sais quoi à mon cul qui m’a mis les larmes aux yeux" créé la surprise, amuse et fait le buzz ! Le personnage de Connor, interprété par Jack Falahee, est l’emblème de cette audace ultime car unique en son genre. Il use de sa sexualité pour parvenir à ses fins, une attitude plus volontiers associée aux femmes habituellement. Les codes sont ainsi renversés. Ses scènes de sexe sont particulièrement chaudes. Il est loin le temps où Jack dans Dawson embrassait son petit ami à l’écran, devenant le premier adolescent à en embrasser un autre à la télévision américaine. Et tant mieux !
Leçon N°5 : Buzzer pour mieux régner !
Dans un univers télévisuel plus que jamais ultra-concurrentiel, même la meilleure série du monde aurait du mal à trouver son public sans une campagne promotionnelle efficace. Et celle d'envergure qui a précédé le lancement de How To Get Away a été orchestrée de main de maître par ABC ! Grâce à une diffusion au sein d'une soirée Shondaland, baptisée "#TGIT" ("Thank God It's Thursday"), à la suite de Grey's Anatomy et de Scandal, le succès a été instantanément au rendez-vous et a dépassé le simple effet de curiosité.
Mais l'autre objectif de la chaîne était de faire regarder la série en live, et non en différé grâce au replay et autres enregistrements numériques, qui ne permettent pas de rapporter autant d'argent. La même méthode que pour Scandal a donc été adoptée : miser sur les réseaux sociaux, à travers le hashtag #HTGAWM et avec l'implication des comédiens qui twittent depuis leurs comptes personnels. En créant le buzz, la nature même de la série avec ses multiples rebondissements aidant, les twittos et les adeptes de Facebook qui ne la regardent pas ont le sentiment de rater quelque chose et décident alors d'attraper le train en marche pour, peut-être, ne plus en descendre de sitôt ! Et ça marche : depuis plusieurs semaines, elle est la série de network la plus discutée sur les réseaux sociaux, devant Scandal ! Twitter pour exister, buzzer pour mieux régner.
La bande-annonce de l'épisode 9, riche en révélations, avant la trève hivernale :