Avec la mort de Pierre Guffroy, dimanche dernier, c'est l'un des plus grands artisans du cinéma français qui disparait. S'il se destinait d'abord à la sculpture, Pierre Guffroy, né à Paris en 1926, a finalement choisi, par amour pour le Septième art, le métier de chef décorateur. Un terme qui ne lui semblait pas adéquat, comme il l'expliqua en 1980 à la revue Cinéma 80 :" Il s’agit d’un véritable travail de création et, dans cette optique, le terme de "décorateur" ne me satisfait pas réellement. Il ne suffit pas, à mon avis, de "poser" des décors sur un film tout fait, mais il faut participer à la création de ce film, en lui donnant son atmosphère, tant psychologique qu’esthétique, en permettant aux personnages d’exister dans des lieux qui leur conviennent."
Etudiant à l'Ecole Nationale Supérieure des arts décoratifs puis à l'Idhec, il commence sa carrière comme assistant auprès de maîtres tels que Max Douy ou Willy Holt. Son nom apparaît au générique de Orfeu negro de Marcel Camus en 1959, puis du Testament d'Orphée de Cocteau en 1960. La Nouvelle Vague privilégie alors les les décors naturels, mais cela n'empêche pas Godard (Pierrot le Fou, Alphaville) ou Truffaut (La Mariée était en noir) de faire appel à son talent. Guffroy enchaîne les collaborations avec les cinéastes de renom : de Bresson (Mouchette) à Oshima (Max mon amour), de Buñuel (4 films, dont Le Charme discret de la bourgeoisie) à Tavernier (Que la fête commence, photo), de Sautet (César et Rosalie) à Forman (Valmont).
Roman Polanski le choisit à plusieurs reprises, par exemple pour concevoir l'immeuble du Locataire, le galion de Pirates ou la campagne du Dorset recréée dans l'Ouest de la France pour Tess (avec à la clé un Oscar en 1981, photo). On lui doit aussi le Prague reconstitué à Lyon pour les besoins de L' Insoutenable légèreté de l'être de Philip Kaufman. Récompensé 3 fois aux César (pour Tess , Pirates et Valmont), Pierre Guffroy, qui avait cessé ses activités depuis Portraits chinois en 1995, s'était rendu en 2009 à la Cinémathèque Française, à l'occasion d'un hommage.
JD - Photo Pierre Guffroy : Alain Tyr