Il y a quelques temps, la Rédaction d'AlloCiné se réunissait pour établir la liste des films à avoir vus dans sa vie par genre. Et parmi la liste des meilleurs westerns se trouve l'un des grands classiques du genre, resté intemporel : L'Homme qui tua Liberty Valance.
Noté en moyenne 4 sur 5 par plus de 4 500 votants, ce film de John Ford avec John Wayne tourné en noir et blanc par contrainte (Paramount ayant imposé cette condition à Ford afin de réduire les coûts du film) est l'un des 10 westerns à avoir vus dans sa vie.
Un film à twist
Le film s'ouvre sur l'arrivée en ville du sénateur Ransom Stoddad (James Stewart) et de sa femme Hallie (Vera Miles), venus assister à l'enterrement d'un certain Tom Doniphon. Interrogé par des journalistes locaux, le sénateur explique comment il a connu le défunt il y a des années, et commence alors un long flashback, qui durera quasiment jusqu'à la fin du film. Stoddad y raconte sa rencontre avec le bandit psychopathe Liberty Valance (Lee Marvin) et l'aventurier Tom Doniphon (John Wayne).
En recourant au flashback, le réalisateur John Ford nous annonce d'emblée qu'il ne s'agira pas d'un film à suspense : on sait déjà que Ransom et Hallie se mettront ensemble, et qu'ils survivront au film ainsi que Doniphon. Mais alors que veut-il raconter ? Ce qui semble l'intéresser, c'est cette relation d'amitié naissante entre le futur sénateur et l'aventurier, mais aussi son antagoniste, l'hyper violent Liberty Valance, qui donne son titre au film. Et pour caractériser son personnage de méchant, Ford ne recule devant aucune outrance.
Lee Marvin, qui incarne Liberty Valance, est littéralement habité par la violence, une sauvagerie rarement montrée à l'époque, s'acharnant sur un homme à terre avec son fouet, et représentant une menace constante. Lorsqu'il est tué (comme annoncé qu'il le sera par le titre du film), c'est un tout autre film que nous avons devant les yeux.
"On publie la légende"
A la fin du film, Ford revient au présent. Un vieux Ransom Stoddad confie que sa carrière politique entière a été bâtie sur un mensonge (que nous conservons secret si vous n'avez pas vu le film). Et l'un des journalistes qui l'écoutait lui annonce que sa confession ne sera jamais divulguée : "Nous sommes dans l'Ouest, ici. Quand la légende dépasse la réalité, on publie la légende."
Nous réalisons alors que le sujet de Ford était bien plus crépusculaire que nous le pensions. Ce qu'il raconte, c'est la fin du mythe de l'Ouest tel qu'il l'a raconté dans plusieurs de ses westerns précédents. L'Ouest américain a été construit sur des légendes, et non des faits. Méfions-nous donc des légendes. Une lucidité et un regard désabusé qui préfigurent (nous sommes en 1962) la démythification du western durant les années 1970 par une toute nouvelle génération de réalisateurs.
Avec cette thématique, en montrant aussi John Wayne en loser magnifique et non en héros flamboyant comme d'ordinaire, c'est comme si le patron du western annonçait aux spectateurs : "Nous y avons tous cru, mais ce n'était que de la poudre aux yeux", tout en prouvant, par l'amour qu'il met dans son film, que nous avons tous aimé y croire. Peut-être le meilleur film de John Ford.