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    Hippocrate sur Canal+ : “C’est la réalité de l’hôpital”... Thomas Lilti, le créateur, nous explique ce qui l’a inspiré pour écrire la saison 3
    Lucie Reeb
    Lucie Reeb
    -Journaliste séries
    Passionnée de séries depuis son plus jeune âge, elle regarde de tout, mais garde une place particulière dans son cœur pour les séries pour ados.

    Alors que "Hippocrate" fait ce lundi 11 novembre son grand retour sur Canal+, AlloCiné s'est entretenu avec Thomas Lilti afin qu'il nous dise tout de la saison 3.

    Après plus de trois années d’absence, Hippocrate fait son grand retour sur Canal+ ce lundi 11 novembre pour une saison 3 qui va encore une fois mettre les médecins urgentistes sous tension.

    Alors que nous sommes au cœur de l’été et que de nombreux services hospitaliers ont été fermés, Arben (Karim Leklou), Alyson (Alice Belaïdi), Hugo (Zacharie Chasseriaud), Chloé (Louise Bourgoin) et Olivier Brun (Bouli Lanners) doivent faire face à un afflux de patients. Les soignants vont vite se rendre compte que les consignes ne sont pas tenables et certains décident de désobéir.

    À l’occasion de la diffusion de la saison 3 d’Hippocrate, AlloCiné a rencontré Thomas Lilti, créateur, scénariste et réalisateur de la série médicale, afin de discuter de cette nouvelle salve d’épisodes.

    AlloCiné : Est-ce que vous pouvez parler un peu de la saison 3 de Hippocrate, et du choix du thème de cette saison, qui tourne autour d'un service au ralenti ?

    Thomas Lilti : La particularité de la saison 3, c'est qu'elle se déroule 3 ans après les événements de la saison 2. À la fin de la saison 2, les médecins étaient rattrapés par le COVID. La question que je me suis posée au moment de l'écriture de la saison 3, c'était de savoir si elle allait tourner autour de la crise sanitaire.

    Mais je n'en avais pas envie, car je pense que nous avons assez souffert. J'avais envie de raconter autre chose. J'ai donc décidé de prendre mon temps et de réfléchir à ce qui était vraiment nécessaire de raconter sur l'hôpital. Et c'est justement là que m'est venu l'idée de raconter l'état de l'hôpital après le COVID.

    De voir quelle trace cela a laissé sur les soignants, les infirmiers.ères et les médecins, mais aussi sur les malades et l'institution hospitalière. C'était mon point de départ. Pendant plusieurs mois durant le COVID, nous avons admiré et applaudi les soignants.

    Et trois ans plus tard, qu'est-ce qu'il en reste ? Il n'en reste pas grand chose. Il reste un hôpital public qui va encore plus mal, des soignants qui ont fui parce que c'est devenu trop difficile et douloureux. Je me suis donc posé la question du pourquoi.

    Qu'est-ce qui attend les personnages dans cette saison 3 ?

    La saison 3 commence en été. Alyson ne travaille plus à l'hôpital, certainement parce que c'était trop dur pour elle. Elle fait désormais partie de SOS médecin avec Hugo. L'accès au SAMU est très compliqué parce que nous sommes en été et qu'il y a moins de personnel.

    Beaucoup de services sont fermés dont les urgences de l'hôpital Poincaré. Il y a toute une partie de la population qui n'a plus accès aux soins. Lors d'une sortie avec SOS Médecin, Alyson se retrouve avec un malade très mal en point, mais elle n'a nulle part où le mettre.

    Elle va donc faire appel aux personnes qui peuvent le plus l'aider, c'est-à-dire Arben, Chloé, Hugo et Olivier Brun. Même si elle ne travaille plus avec eux, ils vont répondre présents. Ce malade va être ramené à l'hôpital alors même qu'il n'avait pas le droit d'être là d'un point de vue administratif.

    Et c'est ce point de départ qui va déclencher tout le fil narratif des 6 épisodes de la saison 3. Une cascade d'événements va amener au dilemme qui est au cœur de la saison : que faire quand le système ne fonctionne plus.

    Faut-il contourner le système pour soigner des gens ? Faut-il désobéir et résister ? C'est une question qui dépasse largement le cadre de l'hôpital et que nous sommes tous, un jour ou l'autre, amenés à nous poser.

    Durant la période du Covid, vous êtes retourné travailler pour aider les soignants. Qu’est-ce que ça vous a apporté dans l’écriture de la saison 3 ?

    Ce retour à l'hôpital m'a apporté deux choses durant l'écriture de la saison 3. La première est arrivée alors que je venais de commencer à travailler. Cela faisait 10 minutes que j'étais là, et je marchais avec une cheffe afin de commencer à me familiariser avec les lieux et de reprendre mes marques.

    À ce moment-là, un réanimateur vient vers nous et la première phrase qu'il va dire à la cheffe, c'est : "Tu es bien consciente qu'on ne va pas pouvoir sauver tout le monde ?". On est au mois de mars 2020, donc nous ne savions pas encore grand chose de cette maladie.

    Et ça, c'était la première chose que j'entends. C'était d'une violence... On est soignant, et on ne va pas pouvoir sauver tout le monde. Quand on travaille à l'hôpital public, on n'est pas là pour la rémunération, on n'est pas là pour la qualité de vie, on n'est pas là pour les conditions de travail exceptionnelles.

    On est là parce qu'on pense que c'est le plus noble. Et on vit avec ce poids-là. On arrive à l'hôpital et on se dit que nous n'allons pas pouvoir sauver tout le monde. Il faut l'accepter, et c'est très dur et violent. Je pense que cette phrase m'a nourri pendant l'écriture de la saison 3.

    Et la deuxième chose est beaucoup plus inconsciente. Je l'ai presque découverte en faisant les interviews pour promouvoir la saison 3. La naissance de l'hôpital California, qui est un service clandestin au sein de l'hôpital, me vient de mon arrivée durant le Covid.

    La première chose qu'on m'avait demandé de faire, c'était de bricoler un truc avec des bâches dans les urgences pour créer une zone non-COVID pour recevoir les patients qui avaient un autre problème que le virus. C'était juste des bâches de chantier et je ne suis pas sûre qu'elles empêchaient le virus de passer. Je pense que c'est de là qu'est né l'hôpital California.

    Comment réussissez-vous à vous renouveler de saison en saison pour ne pas aborder toujours les mêmes sujets et toujours faire évoluer vos personnages ?

    C'est un challenge à chaque fois. Ce n'est pas simple et j'espère que j'ai réussi. C'est une question que je me pose à chaque fois. Mon moteur, c'est surtout d'avoir une nécessité. S'il y a eu trois ans entre la saison 2 et la saison 3, c'est lié au fait qu'il fallait laisser passer le COVID et qu'il fallait que je trouve un sujet.

    Je me suis demandé ce que je pouvais raconter de nouveau. La thématique de la saison 3, qui tourne autour de la désobéissance et de la résistance civile me semblait être une thématique qui dépasse largement le cadre de l'hôpital.

    Et ça m'a semblé essentiel de l'aborder. Je me suis dit que j'avais là quelque chose qui me permettait de me renouveler. Dans la saison 2, je racontais une souffrance à cause du travail. Dans la une, je racontais la responsabilité des jeunes internes. Là, je raconte quelque chose de nouveau. Ça m'amène à me renouveler.

    Et ensuite, il y a aussi les personnages. Ce sont mes personnages, mais ils ne m'appartiennent pas, pas plus qu'ils n'appartiennent aux comédiens qui les interprètent. Pour moi, ils appartiennent à eux-mêmes. Je me demande souvent : "Que font-ils en ce moment ? Que fait Arben pendant que je fais cette interview ? Que fait Alyson ?".

    Hippocrate
    Hippocrate
    Sortie : 2018-11-26 | 52 min
    Série : Hippocrate
    Avec Louise Bourgoin, Zacharie Chasseriaud, Alice Belaïdi
    Presse
    3,9
    Spectateurs
    4,3
    Voir via MyCanal

    Donc, quand j'ai commencé à écrire, je me suis demandé ce qu'ils étaient devenus trois ans plus tard. Et c'est comme ça que je me dis qu'ils font partie de SOS Médecin, que je me dis qu'Olivier Brun a profondément changé, impacté par le COVID et par la mort de son interne en saison 2.

    Il se dit que finalement, tout ne vaut pas le coup pour soigner les gens. Il faut avant tout se protéger soi-même. C'est tout ça qui me permet de me renouveler et d'être sincère en évitant de créer juste une nouvelle péripétie. La péripétie pour la péripétie n'a jamais été mon moteur dans Hippocrate.

    C'est très prétentieux et immodeste, mais j'essaie d'être un peu visionnaire. C'est pour ça que je n'ai pas raconté le COVID. Et j'aime aussi raconter le groupe, plus que les individualités. Mon histoire s'appuie sur le groupe et ce qui me plait, c'est d'y rajouter des personnages. Cette année, c'est William Lebghil qui fait son arrivée dans la peau de David.

    La troisième chose qui me permet de me renouveler, c'est d'essayer de me replonger dans mes souvenirs de l'hôpital. Et c'est pour ça que j'ai voulu parler des personnes âgées. Ce n'est pas un thème très glamour, mais c'est la réalité de l'hôpital. Et ça me touche beaucoup parce qu'une société qui n'arrive plus à prendre en charge ses personnes âgées, c'est dramatique. Et au fond, ça nous touche tous parce qu'un jour, ce sera peut-être nous. J'avais donc envie d'en parler.

    Et une autre inspiration pour moi, c'est le thème de la maladie mentale qui est omniprésent dans Hippocrate. Elle était présente en saison 2, et elle l'est aussi en saison 3. En France, nous ne savons pas prendre en charge cette souffrance.

    Nous savons réparer une jambe cassée, et nous savons faire des choses extraordinaires sur des pathologies très complexes. Mais la maladie mentale, c'est très compliquée, notamment dans les services des urgences. Nous ne sommes pas du tout formés. Et ça, ça me motive parce que je me dis qu'il y a encore des choses à raconter.

    Contrairement aux deux premières saisons qui avaient un rythme effréné, la saison 3 est beaucoup plus tranquille, voire parfois beaucoup plus calme...

    C'est un mélange. Elle est à la fois calme et pas calme du tout. Je pense que ce sont des impressions qui sont propres à chaque personne. Mais quand je raconte l'hôpital, j'essaie de ne pas tricher. Et là, je raconte un hôpital qui fonctionne à demi-régime.

    Se pose alors la question de l'accès au soin, parce que le bassin de population autour de l'hôpital a besoin d'être pris en charge, notamment en plein été où il y a peu de médecins libéraux parce qu'ils sont en vacances. Il ne reste plus que les urgences pour les accueillir. Donc comment on fait dans cette situation ? Je pense que c'est un faux calme, et que nous avons surtout l'image d'un hôpital mourant.

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