Alors que la pétition lancée par le Syndicat Français des Artistes interprètes et l'association professionnelle LESVOIX continue de gagner en soutien à l'approche des 130 000 signatures, l'inquiétude face aux dérives de l'intelligence artificielle sur le doublage continue de croître avec la sortie d'une websérie pour enfants doublée par une I.A.
Disponible depuis janvier 2024, la saison 2 de My Little Pony : raconte ton histoire, spin-off de la série d'animation My Little Pony, est passée relativement inaperçue avec une moyenne de 7000 vues par vidéo diffusée sur Youtube.
Néanmoins, les fans du projet et amateurs de doublage ont rapidement décelé une différence drastique de qualité au niveau des voix entre la saison 1 et cette nouvelle salve d'épisodes.
"Les voix avaient changé, la traduction était littérale, les noms français n'étaient plus respectés, les nouvelles voix pas forcément bien choisies, très mécaniques et dépourvues d'émotion, et la synchronisation labiale inexistante," écrit l'utilisateur Doktor pour un article du site Le Poney Blanc.
Une soudaine baisse de qualité qui a suscité beaucoup d'interrogations et de rumeurs. D'abord convaincus que cette décadence était liée à un nouveau studio et/ou à une restriction budgétaire, les quelques détectives du web sur le coup ont vite déchanté en apprenant de la bouche de la directrice artistique de la série, Nathalie Stas, que ces changements étaient bien dus à l'utilisation d'une I.A.
En effet, à travers une interview accordée à la radio RTBF, la comédienne est venue s'exprimer sur le sujet au nom de l'association BELVA (Belgian Voice Artist) et évoquer sa peur que l'I.A permette aux sociétés d'utiliser sa voix à d'autres fins que le doublage sans son autorisation, et ne devienne, à terme, source d'arnaques.
Pour appuyer ses propos, elle a alors révélé que tous les artistes présents sur la saison 1 de My Little Pony : Raconte ton histoire, entre autres, Sofia Atman, Aaricia Dubois, Grégory Praet ou encore Fabienne Loriaux, avait bien été remplacés au profit d'une intelligence artificielle.
"La première saison a été doublée par les humains et la seconde a été faite par morphing," déclare-t-elle.
Les voix avaient changé, la traduction était littérale, les noms français n'étaient plus respectés...
Cette décision serait du fait de la société HASBRO, conséquence d'une réduction des coûts qui affecterait tous les doublages de la série autres que la version anglaise. Un choix que déplore également le comédien Matthieu Meunier, voix du personnage de Hitch, en plus d'un manque de communication de la part du studio, lors d'un live de BELVA.
L'emploi de cette technique sur un divertissement destiné au jeune public soucie également Nathalie Stas concernant le développement de l'enfant dans le cas où le doublage par I.A viendrait à se généraliser.
"Un enfant qui regarde un dessin animé sans l'âme d'un humain sur les voix, on peut se demander quelle va être son évolution émotionnelle. Comment va-t-il savoir quand quelque chose est touchant ou non ? Je trouve ça dangereux pour l'évolution de l'humanité."
Cependant, à ce jour, les spectateurs et amateurs de VF semblent résolument contre le remplacement de nos comédiens par l'I.A et s'insurgent du rendu médiocre entendable sur l'exemple de My Little Pony.
Si la majorité des retours sur cette VF sont négatifs et jugent le résultat "mauvais" voire "catastrophique", quelques internautes y entendent une justesse de jeu qu'il faut craindre car ce n'est là que le début de l'I.A et de ses capacités. C'est notamment le cas du comédien Jessy Dubuis qui s'inquiète du niveau technique actuel.
Cette utilisation abusive vient confirmer les peurs des agents du milieu et amoureux des voix, et relance un appel à une légifération auprès du Ministère de la Culture.
Cette affaire intervient également un an tout juste après la mise en place d'une coalition internationale de plus de 30 pays, baptisée UVA (United Voice Artists) par des intervenants francophones et néerlandophones, composés de plusieurs artistes qui travaillent bénévolement à faire pression sur les politiques afin de transformer ces technologies en un atout pour le métier et non en une simple source d'économie.
"On n'est pas contre les intelligences artificielles. On veut simplement que ce soit régulé pour pouvoir travailler avec sérénité sans avoir peur que nos voix soient pompées d'internet ou de n'importe quelle source, et que nous soyons remplacés," assure Nathalie Stas.
Si vous souhaitez soutenir les comédiens, adaptateurs, directeurs artistiques et les artistes de manière générale, n'hésitez pas à signer la pétition lancée par Les Voix et à la partager à travers le hashtag #TouchePasMaVF.