Evacuons tout de suite l’ambiguïté planant dans notre titre. Il n’est pas question ici d’entamer à nouveau la ritournelle –un poil lassante- sur les mauvaises adaptations de licences vidéoludiques au cinéma. Mais de revenir sur Edge of Tomorrow, l’excellent film de SF signé Doug Liman et porté par un Tom Cruise en grande forme.
Sans doute le film qui a le mieux et le plus intelligemment assimilé certains codes de l’univers des jeux vidéo, notamment dans sa structure narrative. Quand bien même la base du film s’appuie sur un light novel signé par Hiroshi Sakurazaka et publié en 2004, All You Need is Kill.
Un constat qui fait d’autant plus plaisir à voir qu’Hollywood produit hélas encore beaucoup trop de films d’action souvent illisibles, avec un découpage à la tronçonneuse, tentant parfois très maladroitement de singer les jeux vidéo.
Vivre, mourir, recommencer
A la manière d'un Master Chief dans Halo ou d'un personnage sorti tout droit d'un Call of Duty ou de l'infanterie dans le jeu Titanfall, Tom Cruise incarne dans Edge of Tomorrow William Cage, un ex publicitaire devenu Major au sein de l'armée.
Mais ce qu'il préfère, c'est pantoufler à l'arrière avec les cantinières. Il n'a jamais combattu de sa vie, et ne tient pas vraiment à ce que cela change. Pourtant, un jour et sans qu'il comprenne, il est expédié sur le front comme les autres, avec son exosquelette sur le dos, pour contribuer à erradiquer la menace alien. Mais peu après avoir débarqué sur une plage version Omaha Beach futuriste, il se fait instantanément massacrer avec ses camarades.
En contrepartie, il prend conscience d'un étrange pouvoir, "légué" par le Mimic (l'alien) qui l'a tué : il peut revenir à la vie à chaque fois, la veille du jour du combat où il est supposé mourir. En dépit de ses efforts pas loin d'être inhumains pour lui, il meurt effectivement tout le temps. Et essaie de survivre quelques minutes de plus le lendemain. "Vivre, mourir, recommencer", comme le proclame judicieusement l'affiche du film. Soit littéralement le concept vidéoludique du Die & Retry.
L'apprentissage par l'échec devant la difficulté. Un peu à la manière, pour prendre une comparaison vidéoludique que les gamers connaissent bien, un Souls Like; un genre de jeu largement popularisé par les créations du studio japonais From Software, réputées pour leur grande difficulté, en particulier avec leur jeu séminal du genre, Demon's Souls, suivi de la trilogie des Dark Souls.
Une mort permanente au bout de l'aventure
Cruise est notre incarnation à l'écran. Il incarne notre condition de Gamer, parfois frustré ou rebuté devant la difficulté dans un jeu. Il perd une vie, et regagne presque aussitôt une Extra Life comme dans un jeu de plateformes.
Plus aucune Permadeath, cette mort permanente qui n'offre justement plus de second essai et met définitivement fin à l'aventure dans un jeu. Dans le film, plus Tom Cruise essaie en tentant différentes approches comme autant de chemin possibles dans un jeu vidéo, plus il progresse et avance, maîtrisant et déjouant même les Patterns des ennemis alien; c'est-à-dire les techniques des ennemis.
Pour améliorer ses chances de survie, Cruise / Cage est entraîné par une légende au sein de l'armée, qui a survécu à un nombre incalculable de combats. Et cette légende se révèle être une femme, Rita Vrataski, solidement incarnée par Emily Blunt, qui a jadis eu le même pouvoir que William Cage avant de le perdre.
Un personnage féminin badass, croisement entre la Samus Aran de Metroid et la Ripley de la saga Alien. Une authentique femme guerrière comme on peut en croiser -quoique pas si souvent finalement- dans les jeux vidéo.
Les deux s'entraînent, dans l'optique bien comprise de tuer le "Boss" des aliens, appelé "Omega", et permettre ainsi d'effectuer l'équivalent d'un gigantesque Reset afin de gagner la guerre, selon les propres termes employés par le personnage Rita Vrataski.
Un Reset donc, comme dans un jeu vidéo. Les deux personnages évoluant ensuite ensemble, comme dans un jeu en coopération, que ce soit à pied ou en véhicule, le doigt toujours verrouillé sur le bouton-gâchette de leur arsenal High Tech qu'on en finit pas / plus de voir dans les jeux vidéo, comme dans un nouvel opus de la franchise Call of Duty.
Gorgé de chouettes séquences d'actions, parfois filmées avec la vue par-dessus l'épaule comme dans un TPS (Third Person Shooter) façon Gears of War, porté par un Tom Cruise impeccable et plein d'auto-dérision, Edge of Tomorrow est vraiment un film à (re)voir ou découvrir, même si vous n'avez pas vraiment l'âme d'un Gamer. Et ça, c'est très mal ! On attend avec impatience la suite, annoncée depuis des années mais qui semble enfin être repartie sur de bons rails.