Sorti en salles le 6 mars, Boléro nous entraîne en 1928. Alors que Paris vit au rythme des années folles, la danseuse Ida Rubinstein commande à Maurice Ravel la musique de son prochain ballet.
Tétanisé et en panne d’inspiration, le compositeur feuillette les pages de sa vie, les échecs de ses débuts, la fracture de la Grande Guerre, l’amour impossible qu’il éprouve pour sa muse Misia Sert… Ravel va alors plonger au plus profond de lui-même pour créer son oeuvre universelle, le Boléro.
Pour évoquer ce biopic mis en scène par Anne Fontaine, AlloCiné est allé à la rencontre de Raphaël Personnaz, qui s'est glissé dans le costume du célèbre compositeur Maurice Ravel.
AlloCiné : Comment vous êtes-vous préparé pour incarner le rôle de Maurice Ravel ?
Raphaël Personnaz : Maurice Ravel, c'est des brocolis tous les matins ! (rires) Je me suis préparé très concrètement avec un an de cours de piano et 7 à 8 mois pour apprendre à diriger un orchestre. Ça, c'est pour l'aspect 'j'apprends la musique'. J'ai aussi perdu du poids, 10 kilos. Puis j'ai visité sa maison, on apprend beaucoup la psyché du personnage en pénétrant chez lui.
Rien n'a changé, il y a tous ses bibelots. J'ai lu aussi énormément de biographies ; il y a également quelques documents vidéos qui existent. Ce n'est rien, c'est 10 secondes, mais on arrive à dénicher quelques trucs... dans le corps, il est assez rigide, serré, on le sent pas à l'aise avec les caméras. J'ai aussi vu Anne Fontaine toutes les semaines pendant un an pour parler de Ravel pendant des heures. Après, on arrive sur le plateau et on voit ce qui se passe.
Vous ne faisiez pas de piano avant ?
Je pianotais un peu avant mais je n'avais jamais pris un cours. Cela dit, apprendre c'est bête et méchant, il faut être hyper régulier.
Enfiler le costume vous aide-t-il à entrer dans la peau du personnage ?
Evidemment ! Surtout pour Ravel car il prenait tellement soin de lui, il avait besoin que tout soit corseté ; il devait passer des heures sur le pli de ses pantalons (rires). Pour lui, ça permettait de mettre à distance les gens, pour qu'ils n'aillent pas chercher plus loin.
Par exemple, il avait besoin de ses fameuses chaussures vernis pour diriger, sinon il ne sentait pas bien. Il y a aussi les petits accessoires comme ses cartes de visite. Il y a ses initiales, 'M.R.', dessinées à sa manière. Il a créé sa propre marque, en quelque sorte. C'est comme s'il quadrillait tout. Il est un peu angoissant en fait (rires).
Quand on vous a proposé le rôle, avez-vous ressenti une appréhension particulière à l'idée d'incarner une figure historique ?
Pas vraiment car on connaît plus le Boléro que lui, on ne connaît pas trop son visage, ce n'est pas une figure iconique écrasante. C'est quelqu'un de plus secret, de plus mystérieux. Après, quand on parle aux musiciens, là on comprend à quel point c'est une figure majeure. Et puis le fait d'être accompagné par le pianiste Alexandre Tharaud et tous les musiciens, ça aide. Je me suis appuyé sur eux.
Le Boléro vous avait-il marqué avant d'incarner Ravel et quelle place la musique tient-elle dans votre vie ?
La première fois que j'ai entendu le Boléro, c'était en vidéo dans Les uns et les autres de Claude Lelouch. On y voit Jorge Donn danser le Boléro avec la chorégraphie de Béjar devant la Tour Eiffel. J'étais resté scotché devant ça. Cette musique est révélatrice de l'état psychique de Ravel au moment où il l'a composé.
En fait, c'est un morceau qui peut autant me plaire quand je suis en forme et me stresser si je suis pas bien. Elle a ce pouvoir magique et c'est pour ça qu'elle dure. Elle ne peut pas laisser tiède cette musique. On l'aime ou on la déteste, mais on ne peut pas dire que c'est une musique comme un autre.
De mon côté, je ne peux pas vivre sans musique. Une journée sans musique, ça ne m'est jamais arrivé. J'adore ça, quel que soit le style. Surtout, ce que j'aime dans la musique, c'est aller dans de nombreux univers différents. J'aime être toujours en recherche de ce qui ne relève pas de l'uniformisation.
Dans le film, vous êtes entourés d'un très beau casting féminin avec Doria Tillier, Jeanne Balibar et Emmanuelle Devos. Que retenez-vous de cette collaboration ?
Avec Jeanne, j'adorais la fantaisie qu'elle amenait avec son personnage haut en couleurs. Je me demandais à chaque prise ce qu'elle allait faire. Il y aussi eu beaucoup de complicité et d'humour avec Emmanuelle car le personnage de Marguerite est également haut en couleurs. D'un regard, Emmanuelle peut te faire basculer une scène.
Avec Doria, c'était compliqué de trouver la juste note car ces deux personnages ont des rapports très profonds tout en étant extrêmement différents. Je pense que c'est un peu notre cas à Doria et moi. On est très différents et on s'est beaucoup respectés dès le début.
On a réussi à trouver une note qui a rendu le travail extrêmement doux, très sincère. Ce n'était pas simple à jouer au départ, le fait que ces deux-là se dévoilent leurs âmes, même dans les silences. Par exemple, la scène où on est assis au bord de la rivière devait être hyper cadrée au départ.
Il y avait des problèmes de lumière et le chef-opérateur a dit 'allez, on la fait en un plan'. On a fait une prise et c'est celle qui est restée. C'est quelque chose d'hyper simple qui dit tout de leur relation. Anne Fontaine a choisi Doria Tillier car elle sait que ça allait correspondre parfaitement pour l'histoire.
Comment décririez-vous les méthodes d'Anne Fontaine sur le plateau ?
Je dirais que ses méthodes sont extrêmement douces. En même temps, elle a une acuité visuelle folle. Elle ne laisse rien passer. On a un rapport de sincérité extrême.
Remerciements : Marion Seguis